HARRISON Jim - Sorcier

Johnny Lundgren, aka "Sorcier" aime beaucoup sa femme et la bonne chair. Se retrouvant subitement au chômage, il cultive sa déprime tout en inventant de nouvelles recettes et en cherchant à satisfaire sa belle épouse assistante chirurgicale qui revient chaque jour de l'hôpital épuisée. "Sorcier" s'encroûte jusqu'au jour où Diana lui obtient un entretien avec un certain docteur Rabun de ses connaissances, génie et inventeur. "Sorcier" n'ayant pas grand chose à perdre accepte l'offre de Rabun et se retrouve bientôt chargé d'enquêter sur divers placements disséminés pour lesquels Rabun pressent qu'il est spolié. "Sorcier" qui a toujours revé d'une vie de cowboy ou de détective privé, prend un tournant qui va changer sa vie. Il se révèle tout à fait à l'aise dans son nouveau job, avec un culot qui l'étonne lui-même. En bon épicurien, "Sorcier" donne également quelques coups de canif dans son contrat de mariage avec des demoiselles qui ne demandent que cela. Mais au final, certaines apparences sont trompeuses, et "Sorcier" va devoir garder son sang froid pour garder la vie et tout ce qui lui est cher.
En toute pour le Nord ! En route pour les immensités désertes et pour l'inconnu. lorsque Sorcier atteignit le détroit de Mackinac et le grand pont qui sépare la péninsule du reste de l'Etat de Michigan, il était dans une jubilation qui frôlait l'extase. Il lui semblait que sa vie entière n'avait été qu'un prologue, une longue préparation destinée à l'amener à cet état de grâce qui lui permettait d'affronter victorieusement les hasards fascinant de sa nouvelle vie. Il se sentait en pleine rédemption, semblable à quelque preux chevalier quêtant le Graal, partant pour Jérusalem à travers les forêts humides d'Europe, s'enfonçant vers les confins étranges de la Turquie pour parvenir enfin aux sables brûlants de l'Orient où il changeait son encombrant destrier pour un dromadaire. D'ordinaire la traversée du gigantesque pont de Mackinac lui infligeait un vertige qu'il combattait en se carrant au fond du siège et en conduisant les yeux fixés au capot. Mais ce jour là, le pont était une arche chatoyante qui l'emmenait au-dessus d'un Rubicon sacré. Il ignorait qe ce pont de rêve menait aux plus sombres profondeurs et qu'en se risquant sur ce terrain nouveau, il froissait le plumage de dieux férocement bizarres. (p.133)
Jim Harrison est un auteur qu'on aime ou qu'on déteste, car c'est un être entier, qui ne lésine en rien et qui dans une certaine manière est un génie. Je suis du premier lot. Je l'ai su dès le premier roman que j'ai lu de lui, et les autres romans m'ont conforté dans mon enthousiasme. Jim Harrison a un style qui m'émeut, riche, qui ne ressemble à aucun autre, il n'a pas son pareil pour décrire la nature et la nature humaine.
Sorcier retrouvait dans cet endroit les souvenirs de ses vacances d'adolescent. Mais à présent, lorsqu'il contemplait la ravissante vallée qui s'étendait sous ses fenêtres, il arrivait à se dire que ce Nord ressemblait de moins en moins au Nord de sa jeunesse. Les petites fermes étaient rachetées par des médecins et des agents de change qui les transformaient en résidences secondaires. Les rives des lacs commençaient à disparaître sous les cottages de rondins et les villages eux-mêmes prenaient des allures artificielles de bourgades suisses. (p.53)
La société américaine peinte par Harrison n'a rien de glorieux. Mais Harrison garde toujours un humour flottant à la surface des vérités les plus brutales. On rit souvent en lisant Harrison, et c'est tant mieux.
Le seul inconvénient des grandes promenades le long de la mer est qu'il arrive un moment où il faut se décider à refaire le même chemin en sens inverse. Et c'est beaucoup moins drôle. En l'occurence, la plage était merveilleuse sous le vent chaud du sud ; merveilleuse mais étrangement déserte. Cela était probablement dû au fait que tous les milliardaires qui se construisent des maisons sublimes sur le rivage ne manquent jamais de se fabriquer également des piscines afin de démontrer qu'ils n'ont pas vraiment besoin de l'océan. C'est bête mais c'est ainsi. (p.211)
Dans ce roman, on se prend d'amitié pour "Sorcier" qui est plus paumé que dévoyé. On apprécie son road-movie autant que ses expériences culinaires. On lui pardonne ses faiblesses de la chair en se rappelant de sa fameuse "échelle" (en gros il s'agit de péché, de dérapage et de pardon).
Un excellent moment de lecture.
titre original : Warlock (1981)
édition française Robert Laffont (1983)
traduit de l'américain par Serge LENTZ
270 pages
Illustration d'entrée de billet : le Pont Mackinac qui relie le nord et le sud du Michigan (8 km de long)

Commentaires

  1. Un Jim Harrison que je ne connais pas encore... comme je suis une inconditionnelle, il faudra que je le déniche !

    RépondreSupprimer
  2. Kathel :
    je suis comme toi "inconditionnelle" et je compte lire (à mon rythme) tous ses livres :)

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Merci pour votre contribution à ce carnet de lectures (la modération des commentaires est activée pour les anciens articles)