CAPOTE Truman - De sang froid


Kansas, novembre 1949. La famille Clutter se couche un samedi, et se retrouve au beau milieu de la nuit menacée par deux voleurs à la recherche d'un coffre-fort hypothétique rempli d'argent. Le renseignement qui leur a été fourni était mauvais et de rage ils n'hésitent pas (l'un des deux en fait) à tirer une balle dans la tête de chacun des membres retenus en otages : le père 48 ans, la mère, le fils 17 ans et la fille 16 ans, avant de quitter les lieux avec un maigre butin : 40 dollars. De fil en aiguille, les deux compères continuent leurs vols et se font finalement rattraper par la police et condamner à mort. Ils seront pendus en avril 1965, quatre années après avoir été arrêtés et avoir tenter sans succès de faire réviser leur procès.
Quiconque a traversé les États-Unis d'un océan à l'autre, que ce soit en train ou en voiture, est probablement passé par Garden City, mais il est raisonnable de supposer que peu de voyageurs se souviennent de l'évènement. (p.59)
La lecture d'Un plaisir trop bref de Truman Capote m'a donné l'envie de lire son célèbre roman de non-fiction basé sur un fait divers authentique, et qui lui a changé la vie (le roman lui valu une reconnaissance internationale et fut également porté deux fois à l'écran : In cold Blood en 1967 et Capote en 2005) :
J’ai fini, ou suis sur le point de finir, la première partie de mon livre, ce qui représente environ 35 000 mots. Le livre entier approchera des 125 000 – soit deux fois plus qu’un livre courant. Et je me demande si le New Yorker pourra le publier. Jamais, de tous les écrivains, je n’aurais cru avoir un jour des problèmes de longueur. C’est d’une écriture tellement serrée. Impossible d’y faire des coupures (j’ai essayé). Si je n’arrive pas à un accord avec Shawn (et je peux comprendre qu’il hésite à consacrer quatre numéros à cette aventure dont la lecture n’aura rien d’un plaisir, encore moins d’un « divertissement » comme on dit), je n’aurai qu’un regret : avoir dépensé en recherches plus de 8000 dollars que je ne récupérerai jamais. Je continue pourtant, sans me poser de questions. Cela peut te paraître prétentieux, mais je me sens impérieusement tenu d’écrire ce livre, même si le sujet me laisse sans force, hébété pour tout dire, horrifié – je fais chaque nuit des cauchemars. Je ne comprends pas comment j’ai pu être aussi insensible et « objectif » dans les premiers temps. (p.321_Truman à Donald Windham son ami romancier lui aussi, dans "UN PLAISIR TROP BREF").
J'ai été subjuguée par ce roman vraiment passionnant : l'histoire, la structure du récit, le vocabulaire employé, donnent une aura particulière en tissant deux trames qui finissent par se rejoindre : d'un côté, la petite ville tranquille de Holcomb près de Garden City, de l'autre la folle équipée de Perry Smith et Dick Hickock, deux compagnons de meurtre.
Menottes aux poignets, le visage pâle, aveuglés et clignant des yeux, les deux hommes étincelèrent sous l'éclat des flashes et des projecteurs. Poursuivant les prisonniers et la police à l'intérieur du palais de justice et jusqu'au dernier étage, les opérateurs photographièrent la porte de la prison du comté qui se referma en claquant. (p.369)
Le roman est articulé en quatre parties pratiquement identiques en taille qui se succèdent comme des tranches mêlant le passé et ses conséquences pour les protagonistes de ce terrifiant quadruple meurtre. L'auteur réussit à peintre le portrait de la vie confortable des Clutter avant leur assassinat, un portrait physique et psychologique, avant de glisser vers celui des assassins, leurs raisonnements et le moment où le meurtre leur semble un acte comme un autre pour se débarrasser d'un problème.

Comme je l'explique plus haut, Truman Capote s'est particulièrement investi dans ce récit, cherchant à rencontrer tous les protagonistes, à s'imbiber de leur tragédie pour en restituer le drame, tout en restant une ombre à peine visible dans le récit lui-même, n'apparaissant que légèrement à certains endroits dans la dernière partie et d'une manière pratiquement anonyme sous la forme d'un "journaliste".
En attendant la deuxième exécution, un journaliste et un gardien échangèrent quelques propos. Le reporter dit : "C'est votre première pendaison ?
- J'ai vu Lee Andrew.
- Moi, c'est la première fois.
- Ouais. Ca vous plaît ?"
Le journaliste fit la moue. "Dans notre bureau, personne ne voulait faire ce reportage. Moi non plus. Mais c'est moins pire que je ne l'aurais cru. C'est simplement comme plonger d'un tremplin. Seulement avec une corde au cou.
- Ils sentent rien. La trappe s'ouvre, ils ont le cou cassé, et ça y est. Ils ressentent rien. (p.500)

titre original : In cold blood
sorti en 1965
édition française en 1966 par les éditions Gallimard
500 pages
traduit de l'anglais par Raymond GIRARD
illustration d'entrée de billet : une ferme dans le Kansas (Norris Photo School)

Commentaires

  1. Bonjour Wictoria,
    In Cold Blood m'avait fait forte impression également. Je l'ai relu l'année dernière et enfin vu l'adaptation ciné avec Philip Seymour Hoffman que j'ai trouvée remarquable. C'est un grand classique à lire et relire sans modération, comme les autres récits ou romans de Truman Capote.
    Amitiés
    Virginie

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  2. j'ai vu le film moi aussi (lien vers ma critique en cliquant sur le titre) et projette de regarder très prochainement "In cold blood" pour boucler la boucle (mais pas autour de mon cou !)

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