HERZOG Félicité - Un héros


Laurent Herzog naît en 1965 et meurt en 1999. Entre temps, une vie chaotique à l'ombre d'un père héros à plus d'un titre : l'alpiniste Maurice Herzog qui partit à la conquête de l’Annapurna en 1950 et en redescendit héros de la nation française puis devint ministre des sports sous De Gaulle. Ce père si convainquant devant les lumières de la célébrité brille moins sous le regard implacable de sa fille Félicité qui dévide l'histoire familiale depuis la figure étonnante de Marie Adrienne Anne Victurnienne Clémentine de Rochechouart de Mortemart, l'ancêtre aristocratique et féministe : la Duchesse d'Uzes, jusqu'au fantôme de son frère qui hante encore le château de la Celle-les Bordes où il périt en avril 1999. C'est quelques années après la mort de son frère aîné que Félicité Herzog déclenche une avalanche de vérités cachées, mettant en lumière la vie intime de son père qui ne parvient jamais à se comporter comme tel et auquel elle reproche non seulement l'absence mais surtout le manque d'amour filial et d'intérêt pour ses enfants.
Toutes ses années, il m'apparut aussi inaccessible que l'homme brandissant son piolet sur cette photo, d'abord publiée en exclusivité par Paris Match. Il ne me semblait jamais être redescendu de ce versant sur lequel il se dresse en pleine tempête, tenant à deux mains le drapeau français. Quelque chose d'autre que ses mains et ses pieds n'était-il pas resté sur les flancs de ce sommet considéré comme une déesse par les Népalais : sa sensibilité ? son humanité ? sa propre estime ? Ressentait-il une secrète culpabilité à avoir entraîné Louis Lachenal dans cette folie, même au nom de l'intérêt national, folie dont Lachenal n'allait jamais se remettre ? (p.54)



Un roman qui, comme vous l'aurez compris en lisant mon résumé ci-dessous, n'en est pas un, ou alors comme je l'indique en libellé de cet article, c'est un roman "non fiction", une sorte d'essai que j'ai trouvé passionnant, non pas par son style qui est très inégal et tristement banal après quelques premières pages accrocheuses, mais par son contenu, et principalement par la "vie de château", cette vie balancée entre les séjours de l'auteur et de son frère chez les grands-parents (ceux de leur mère Marie-Pierre Cossé-Brissac) et surtout, je suis tombée folle d'intérêt pour cette impétueuse duchesse d'Uzes :


C'est sans surprise parce que nous sommes prévenus dès les premières pages que l'auteur prend le parti d'attaquer publiquement son père dans ce livre, mais ce que j'ai perçu également, c'est le procès de tout un système social dont il est question : malgré la notoriété, l'éducation, les relations, la maladie de Laurent reste invisible aux yeux des siens. Laurent, ce frère despotique tout de même, qui ne rate pas une occasion pour lui donner des coups, et bien personne ne s'interroge sur l'origine de sa violence ! L'auteur tient pour responsable son père Maurice Herzog, si brillant en public et si ténébreux dans sa vie privée, comme un ange déchu. Coupable de la séparation de ses parents puisqu'il est parti du foyer vers une nouvelle conquête, laissant son épouse démunie, et visiblement incompétente devant la schizophrénie de son fils, révélée tardivement par la médecine après un suicide manqué, mais qui aurait pu être décelée plus tôt si les premiers signes de violence et d'incohérence avaient été soignés dans l'enfance.

Si j'ai aimé l'aspect documentaire historique de l'enfance malmenée : une mère intellectuelle qui ne s'occupe pas vraiment des ses enfants livrés à eux-mêmes, j'ai moins été attirée par le récit de la vie politique de Maurice Herzog et je regrette également le manque de cohérence de ce livre qui traite de beaucoup de sujets périphériques sans les approfondir, ce qui laisse une impression d'achevé dans la précipitation, dommage. 


année sortie 2012
édition Grasset puis Le livre de Poche en 2013 (réédition)
220 pages
illustration d'entrée de billet : trophées de chasse au château de la Celle-les-Bordes © René Stoeltie

ma note : 2♥/5

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