FERRARI Jérôme - Le principe


De nos jours, un jeune étudiant (en philosophie) est interrogé sur le physicien allemand Werner Heisenberg lors d'un oral auquel il échoue lamentablement. Du coup, il s'intéresse à ce scientifique et entame avec lui un monologue malgré les années qui les séparent ; il l'interpelle sur les étapes importantes de sa carrière de chercheur, depuis ses débuts d'étudiant passionné de mathématiques. Heisenberg se retrouve chercheur en physique et s'attaque à la résolution d'une magnifique inconnue : la composition de la matière et l’interaction des éléments qui la compose. La résultante de ses équations pour lui ne fait aucun doute : par principe on ne peut jamais connaître la vitesse et la position d'un élément. 1926 : à 25 ans, Heisenberg pose le principe d'incertitude et cette découverte, comme toutes les découvertes scientifiques, lui attire des ovations et des moqueries. Mais nous sommes en pleine guerre mondiale et tandis que ces collègues scientifiques fuient l'Allemagne nazie, Heisenberg décide de rester (affronter l'ennemi) et doit travailler à la découverte d'un réacteur nucléaire. Quelques collègues se détachent de lui et de ses travaux d'application car ils l'accusent de travailler pour les nazis afin de leur "délivrer" la bombe atomique, ce qui dément Heisenberg à qui veut bien l'entendre.
Il suffisait de renoncer aux questions, celles qui portaient sur une réalité physique que personne ne pouvait observer ni concevoir, il fallait oublier toutes ces histoires d'ondes et de corpuscules, d'orbites et de trajectoires, se libérer douloureusement de la nostalgie des images pour bondir d'un seul coup, par dessus l'abîme, dans le refuge des formes mathématiques, car c'est là que, depuis toujours, la raison a sa demeure - et c'est à nouveau la nuit d'été dans la cour du château de Prunn quand s'élevaient d'un violon solitaire les notes de la chaconne qui vous arrachait à votre douleur en révélant que le monde n'était pas seulement le chaos qu'il semblait être, ce grand corps disloqué, avec ses morts inutiles, ses âmes désorientées, ses vains espoirs, ses ruines, la rancœur et la colère inextinguibles, l'humiliations des diktats, et qu'il était encore possible d'avoir foi en ce que vous n'appeliez pas Dieu mais un ordre central, au sein duquel toute chose prenait sa place. Oui, vous aviez trouvé la bonne voie, la seule, c'était une certitude, et sans doute, pour un moment, vous n'avez pas douté que vous en convaincriez la communauté des physiciens. (p.29)


Le choix du livre


Un livre recommandé par une amie très chère. Avant ce livre, je ne connaissais pas du tout Heisenberg ni Ferrari dont j'avais même oublié le nom malgré son prix Goncourt de 2012.

Ce qui m'a plu : l'introspection


J'ai découvert la trajectoire tragique d'un jeune homme peut-être né au mauvais moment, dans un monde à la recherche de la domination des uns sur les autres. Durant ma lecture, une question se pose : et moi qu'aurai-je fait à sa place ? m'enfuir au risque de regretter de n'avoir rien tenté ? ou résister comme ces jeunes allemands de la "rose blanche" ?

L'impression globale


Un livre intéressant mais assez ardu tout de même et pas à la portée de tout le monde : un style littéraire, parfois un peu trop travaillé, et avec une trop grande distance avec son sujet de réflexion et d'affection, c'est ce que j'ai ressenti : certains passages font croire à un narrateur-laborantin qui observe une souris dans le dédale de son labyrinthe. La souris va t-elle s'électrifier ou contourner le piège ? voilà à quoi je pensais. J'ai souvent repris ma lecture pour bien tout comprendre, j'ai également fait des recherches sur internet car beaucoup de faits historiques évoqués m'étaient obscurs comme les exécutions (décapitations) des jeunes protagonistes de la rose blanche.


Le mot de la fin


J'aurais aimé un peu plus de légèreté pour contrecarrer le pessimisme de ce récit mais je suis heureuse d'avoir fait cette lecture "presque" commune avec mon amie.



année sortie 2015
Actes Sud
160 pages
illustration d'entrée de billet : Werner Heisenberg (à 32 ans)

ma note : 3♥/5

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