Stupeur et Tremblements - Amélie NOTHOMB
Début des années 90, de retour dans son pays de naissance et de coeur, Amélie Nothomb obtient un poste de traductrice dans le service comptabilité de l'immense compagnie d'import-export Yumimoto à Tokyo. Sa supérieure directe, Mlle Mori, est une jeune femme de 7 ans son ainée, qui a gravi peu à peu les échelons : à 29 ans elle a le statut inouï d'être cadre, ce qui est extraordinaire dans la société japonaise où le but ultime de la femme est de se marier et de faire des enfants. Le jour où le chef de service des produits laitiers s'adresse à Amélie pour qu'elle donne un coup de main pour étudier un éventuel prospect avec la Belgique lui est fatal : en effet à partir de ce moment là, Mlle Mori la prend en grippe sous prétexte qu'elle a osé prendre des initiatives et n'a de cesse de lui confier des tâches toujours plus humiliantes. Au bout de 5 mois et jusqu'à la fin de son contrat d'une durée d'un an, Amélie débute un nouveau poste créé pour elle : "dame pipi" responsable de remplacer les rouleaux de tissus lorsqu'il n'y a plus de toile sèche et les rouleaux de papier toilette terminés, et de nettoyer les cuvettes salies afin que la femme de ménage n'ait pas à voir les dégâts en prenant son service le soir.

Je me suis rendue compte que je n'avais pas encore critiqué ce roman et je viens de le relire pour la 3è ou 4è fois, et je dois dire que je suis toujours enthousiaste devant la facilité de l'auteur à se mettre en scène tout en nous prenant à témoin pour constater les avanies dont elle est la victime pour avoir osé défier les règles tacites de la société japonaise comme parler parfaitement le japonais en tant que "blanche" ou réaliser une étude de marché alors que ce n'est pas son poste même si elle est compétente dans le domaine.
Mais le plus réjouissant c'est que la narratrice se soumet à ces remontrances car elle connait le Japon, simplement elle n'avait pas anticipé les proportions de réactions de ces tortionnaires. L'absurdité des codes de l'entreprise se superpose à une analyse des espérances de vie des japonais : homme ou femme ont chacun leur route tracée dont est exempt le bonheur car submergé dans l'obligation de suivre les dictats d'une société en pleine expansion.
Une jolie satire du Japon tout en tragicomédie, où l'on apprend que la transpiration est loin d'être l'odeur de sainteté !
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publié en 1999 Grand Prix du roman de l'Académie française en 1999 |
illustration : Tokyo, photo personnelle datant de 2013
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