Les catilinaires - Amélie NOTHOMB
Juliette et Émile Hazel, un couple de sexagénaires fusionnels à la retraite, s'installent à la campagne dans la maison de leurs rêves mais déchantent lorsque leur voisin Palamède Bernardin se met à traverser le pont qui sépare leurs deux maisons chaque jour entre 16 et 18 heures pour se faire offrir un café.
Au début surpris, puis agacés, puis effrayés, ils ne savent pas comment rompre cette invasion méthodique : s'absenter, ne pas répondre au tambourinement de leur voisin sur leur porte close, n'est pas la solution car le bougre insiste lourdement.
Tout change lorsqu'ils lancent une invitation incluant Bernadette l'épouse du voisin : celle-ci est difforme, ne parle pas et pousse uniquement des petits cris d'animaux, elle ne mange que des liquides et adore le chocolat chaud.
Le titre se réfère aux "Catilinaires" qui sont les discours du consul Cicéron qui s'insurgeât contre le noble Catilina (63 av. J.-C.) ; ses discours dénoncent avec beaucoup d'éloquence les agissements de Catilina (corruption et violence) contre la République romaine qu'il cherche à renverser. Ces discours sont devenus des exemples emblématiques d'éloquence et de rhétorique.
J'ai adoré lire ce roman qui démarre comme un thriller (le voisin est très bizarre on craint le pire) et qui très vite se transforme en enquête (le voisin séquestre-t-il son épouse monstrueuse ?). On rit beaucoup, surtout lorsque l'on connait un peu la vie de l'auteur (l'amour du Japon) et son humour caustique qui met l'accent sur les stupidités et incongruités.
La description de Bernadette, que les époux appelle "le kyste" (car ils ont imaginé que l'épouse était une émanation de leur voisin lui même obèse) m'a fait penser au personnage de Prétextat Prat (de son roman L'hygiène de l'assassin) mais surtout au navigateur de la guilde (de 3è classe !) dans le film Dune (1984) :
L'auteur n'y va pas avec le dos de la cuillère dans ses réflexions satiriques sur le physique des voisins, c'est toutefois très drôle car on lit de plein fouet le décalage entre les apparences monstrueuses et hors normes des Bernardins et le comportement stoïque des Hazel qui désirent plus que tout sauver les apparences et faire "comme si" ils ne remarquaient rien d'anormal.
Après la période de soumission des Hazel devant l'impolitesse de leur voisin envahisseur mutique, vient le temps de la revanche sourde.
Les Hazel contre-attaquent en s'introduisant de force à leur tour chez leur voisin tels des chevaliers missionnés dans le sauvetage de la créature Bernadette.
Une lecture jubilatoire qui met en scène presqu'exclusivement deux couples qui s'opposent dans un vaudeville diabolique : les gros qui vivent reclus du fait de leur physique et les minces qui choisissent de vivre reclus pour profiter de leur nouvelle liberté.
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paru en 1995 |
illustration : Andy Zhang (licence gratuite sur Unsplash
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