Hygiène de l'assassin - Amélie NOTHOMB



A l'annonce de sa mort prochaine, un célèbre auteur qui obtint le prix Nobel de littérature accepte de recevoir des journalistes chez lui. Il se débarrasse rapidement des 4 premiers qui se laissent tous avoir par son dialogue pour le moins outrancier. Le cinquième à passer la porte est Nina, une femme de 30 ans qui ne s'en laisse pas compter et qui va l'attaquer avec ses propres armes : l'affront, tout en l'amenant à avouer les crimes de son passé qu'elle a découvert en enquêtant sur lui et ses origines.

 

Mise en abîme d'un roman

Le titre du roman est aussi celui du roman inachevé du personnage principal Prétextat Tach ; le roman décrit "par le menu" les contraintes hygiénique (régime drastique et dégoutant, résistance au froid avec immersion quotidienne dans les eaux glacées, etc...) qu'il a mis en place à 15 ans pour lui-même et sa jeune cousine Léopoldine de 13 ans, idées saugrenues sensée leur garder une éternelle jeunesse et innocence, loin des jeux adultes.

L'oeuvre

Un livre qui ne laisse pas indifférent : encensé par une majorité et décrié par d'autres lecteurs peut-être plus critiques (dont je fais partie). Ce fut le premier livre édité de l'auteur en 1992 chez Albin Michel, il obtint deux prix l'année suivante :
  • prix René-Fallet octroyé par l'association "Agir en pays Jalignois" à un premier roman,
  • prix Alain-Fournier octroyé par la ville de Saint-Amand-Montrond à une plume naissante.
L'ensemble présente des dialogues entre les journalistes et l'auteur interviewé.

Une deuxième lecture

J'ai déjà lu ce livre lors de sa sortie, je me souviens pas de mes impressions de l'époque car je ne tenais pas de carnet de lecture. Ma voisine m'a prêté des livres et j'ai choisi de relire ce roman car j'aime beaucoup la personnalité de l'auteur qui me fascine (il y aura d'autres romans (re)lus dans les mois à venir). Je ne me souvenais pas très bien de l'histoire mais 30 ans après, j'avoue être plus critique que je n'ai pu l'être dans ma trentaine, et ce qui me vient en premier lieu c'est "elle a eu un sacré courage de choisir ce livre plutôt qu'un autre comme premier roman" à publier car il n'est ni facile d'accès par ses nombreuses références littéraires et philosophiques, ni sympathique par ses dialogues opposant la raison à la passion ou à la folie. Littérature, fin de l'enfance, déni de vieillir sont des thèmes récurrents de ce roman. Et savoir qu'elle a écrit ce livre à 17 ans me laisse encore plus perplexe et compatissante vu ce qu'elle a vécu et que l'on découvre plus tard dans sa carrière.

En conclusion

Si j'ai relu avec intérêt ce roman, je ne l'ai pourtant pas apprécié à cause de l'histoire elle-même qui ne m'a pas semblé intéressante mais je pense qu'à l'époque, rares étaient les romans aussi corrosifs, crus, cyniques et licencieux et c'est certainement ce qui a attiré l'attention du public.

Dévoilement de l'intrigue (entre les crochets)

[Il n'y a aucune moralité dans cette histoire de crimes : assassinat de Léopoldine par Prétextat afin de soi-disant accomplir leur vœu commun, déclenchement de l'incendie de la demeure pour éliminer tous les témoins, ça fait beaucoup d'assassinat pour un seul homme qui vraisemblablement est un psychopathe en puissance. Et lire qu'à la fin, Nina se voit obligée de mettre fin aux jours de l'immonde personnage ne rend pas le roman plus acceptable, au contraire.] C'est cela qui m'a le plus contrarié, comme je suis d'ailleurs contrariée lorsque la critique encense des romans aux histoires glauques et terribles.

publié en 1992

- Monsieur Tach, en admettant que je suis bête et obtus, ne pouvez-vous imaginer qu'il existe, derrière moi, un futur lecteur de cet article, un lecteur intelligent et ouvert qui, lui, mériterait de comprendre ? Et que votre dernière réponse décevrait ?
- En admettant que ce lecteur existe, et s'il est réellement intelligent et ouvert, il n'aura pas besoin d'explication.
- Je ne suis pas d'accord. Même un être intelligent a besoin d'explication quand il est confronté à une pensée nouvelle et inconnue (p.49) 

 

Illustration d'entrée de billet :Mihail Zablodski "The Fatigue"

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