LOHR Robert - Le Secret de l'automate

Les années 1770. Le baron Kempelen, un haut fonctionnaire hongrois invente un dispositif automate capable de jouer aux échecs et de battre quiconque s'oppose à son "joueur turc". Bien entendu, Kempelen a un secret : dissimulé dans l'installation, le nain vénitien Tibor, prodige des échecs, a appris à contrôler la machine. Ce qui ne devait être qu'une ultime présentation devant l'impératrice Marie-Thérèse pour qu'elle favorise d'autres inventions, devient pour Kempelen une véritable obsession. Le numéro du "Turc" finit par se produire dans les villes et même à l'étranger, mais ceci implique que Tibor vive reclus afin de ne pas attirer l'attention sur lui, car quelques sceptiques sont prêts à tout pour découvrir le secret de l'automate. Bien entendu, cette situation ne va pas durer éternellement : Tibor n'est pas une machine, lui.
Kempelen contourna l'appareil et remonta plusieurs fois la manivelle disposée du même côté que le mécanisme. A travers le bois, on entendit les rouages qui se mettaient lentement en marche. Le bras gauche se leva, passa au-dessus de l'échiquier jusqu'à ce que la main ait atteint le pion blanc situé devant le roi. Là, il s'immobilisa. Le pouce, l'index et le majeur s'ouvrirent en même temps, la main s'inclina vers la tête du pion, puis les doigts se refermèrent, attrapèrent la pièce par le cou, la soulevèrent et la reposèrent deux cases plus loin. Son travail accomplit, le bras se dirigea vers la gauche pour se reposer à côté de l'échiquier. (p.68)
Tiré d'une véritable histoire, ce livre est un enchantement. Robert Löhr a réussi le parfait mélange des faits et de la fiction, en choisissant un récit à suspens qui rend hommage aux plus grands inventeurs d'automate de l'époque.
-Votre Merveilleuse machine à tout écrire, monsieur Knaus, fut en son temps un chef d'oeuvre. Que diriez-vous si j'avais créé un automate capable non pas d'écrire, mais bien plus — Kempelen leva l'index et posa le regard sur Marie-Thérèse — ..., de penser ! (p.86)
Cette énigme en a passionné plus d'un : Poe qui démontra qu'il était impossible que ce ne fut qu'un tour de mécanique, l'illusionniste Robert-Houdin expliqua le secret dans "Confidences et révélations"
cliquer ici pour lire un extrait
L'auteur a choisi un récit à narration non linéaire dans le temps : par exemple l'histoire débute par une scène où Tibor retrouve Kempelen plusieurs années après l'avoir quitté. Mais cela ne nuit pas du tout à la compréhension, bien au contraire, l'auteur réussi à garder l'attention du lecteur, jouant avec son envie de connaître la suite, ou plutôt, "ce qui a bien pu se passer avant" !
Tibor était obligé d'incliner la tête en arrière pour voir le dessous de l'échiquier. Il commençait déjà à avoir des crampes, mais aucun coup ne devait lui échapper. Le disque métallique de g7 retomba avec un léger cliquetis sur la tête du clou : celui de g5 se colla sous la case. Son adversaire avait déplacé un pion. (p.88)
Une histoire très bien menée, une sorte de thriller romantique pour ce roman qui a eu un succès mérité.
- Crois-tu sincèrement que cette tournée sera un succès ?
- Que veux-tu dire ? Chercherais-tu à m'inquiéter ?
- Je me demande seulement qui a encore envie de voir des machines qui se comportent comme des hommes. N'y a-t-il pas de nos jours suffisamment d'hommes qui vivent et travaillent comme des machines ? Tous ces esclaves au service des vraies machines... Il n'y a qu'à songer aux nouveaux métiers à tisser.
- Quelle profondeur d'esprit admirable ! observa Kempelen avant d'avaler une longue gorgée de punch.
La vie de l'automate joueur d'échec dura plus de 80 ans et jusqu'en Amérique, pour finir dans un musée chinois où il fût détruit dans un incendie. Mais d'autres automates furent reconstruit sur le modèle original.

Pour aller plus loin, quelques liens :

titre original : Der Schachautomat (2005)
édité en français en 2007 (Robert Laffont)
Mon livre : en collection j'ai lu (2008)
430 pages
traduction de l'allemand par Odile DEMANGE
Illustration d'entrée de billet : croquis de l'automate joueur d'échec (origine inconnue)

Commentaires