La Promenade au phare - Virginia WOOLF



1ère partie " La fenêtre "
Dans une maison de vacances sur une île, la famille Ramsay et les huit enfants sont accompagnés d'amis ou collègues de travail de monsieur. Tandis que madame Ramsay s'efforce de tenir la maisonnée, élabore des projets (de mariage) pour ses enfants et amis, d'autres sont tout à fait égocentrés : leurs livres, leurs carrières, leur importance, leur façon tranchante d'évoquer un mauvais temps qui empêchera la promenade au phare et la visite aux gardiens.

2è partie : " Le temps passe "
Dix ans passent, la première guerre mondiale a fait des ravages. Madame Ramsay est morte, la maison de vacances est à l'abandon.

3è partie : " Le phare "
Le retour sur l'île de monsieur Ramsay, accompagné cette fois de moins de monde : deux de ses enfants adolescents, Lily Briscoe une amie de longue date peintre, un vieux poète, l'occasion cette fois de faire la promenade au phare tandis que le tableau autrefois inachevé de Lilly, une amie de Madame Ramsay, finit par s'achever. 

 


Roman dense qui fait la part belle à l'introspection, le lecteur papillonne autour des personnages et leurs pensées, leur espérances, leur désarroi, leurs ressentiments.

L'intrigue est assez simple : des personnages sont en vacances, d'autres sont à leur service dans la maison, dans le jardin ou encore sur le bateau. L'essentiel ici est la réflexion sur le temps qui passe, témoin des espérances, des bonheurs, mais aussi des drames, des regrets, des morts, des mariages malheureux et des non-mariages. De l'inexactitude aussi de certaines convictions : notre perception de la vérité n'est pas la vérité : il ne faut pas s'aveugler par des paroles, des gestes, ou nos propres envies : chacun doit faire lui même son chemin même s'il est contrarié.

Tout le récit s'apparente ainsi une des réflexions philosophiques sur qui on est par rapport à qui nous voulions être, ce que nous voulions faire. De nombreuses pages consacrées à madame Ramsay, la cinquantaine, très belle et admirée par ses enfants, son mari, certains de ses amis, qui fait figure de proue en tant que mère de famille cherchant à désamorcer toute tentative de son époux à faire gronder son mécontentement, à calmer son caractère autoritaire et despotique, à tel point que ses enfants eux-mêmes le compare à une Harpie déchirant sa proie de ses griffes acérées (ses réflexions, sa mauvais humeur, son comportement sont ses griffes).
Il n’y avait pas le moindre espoir de pouvoir aller demain au Phare, déclara sèchement Mr.   Ramsay devenu irascible. Comment pouvait-il le savoir ? demanda-t-elle. Le vent changeait souvent. Le caractère extraordinairement irrationnel de cette remarque, l’absurdité de l’esprit féminin donnèrent à Mr.   Ramsay un accès de rage. Il s’était jeté dans la vallée où la Mort se tient prête ; il avait été mis en pièces et en miettes ; et voici que maintenant elle heurtait de front la réalité, donnait à ses enfants des espoirs manifestement absurdes, disait en somme des mensonges. Il tapa du pied sur la marche de pierre. «  Allez vous faire fiche ! » dit-il. (p.51).
La dernière partie s'attache aux sentiments de Lily Briscoe, l'artiste, qui se révèle être très touchée par la mort de madame Ramsay, et qui, perdue dans ses réflexions, se met à peindre sans relâche sur le motif.
Lorsqu’elle s’était assise là, dix ans auparavant, il y avait sur la nappe un petit dessin de ramille ou de feuille qu’elle avait regardé dans un moment de révélation. Un problème s’était posé au sujet du premier plan d’un tableau. Il fallait pousser l’arbre au milieu, avait- elle dit. Elle n’avait jamais terminé ce tableau. Ça lui avait travaillé l’esprit pendant toutes ces années. Elle était décidée à le faire à présent. Où étaient ses couleurs ? se demandait-elle. Oui, ses couleurs. Elle les avait laissées dans le hall, la veille au soir. Elle commencerait tout de suite. Elle se leva vivement, avant que Mr. Ramsay fût revenu. (p.200)
Il résulte de ce roman des chapitres de longueurs inégales, un peu comme le mouvement de la mer ou celui du temps qui peut passer vite ou lentement. Mais tout revient à la même énigme : qu'est-ce que vivre et pourquoi ?
Quel est le sens de la vie ? Voilà tout – c’est une question bien simple ; une question qui tend à nous hanter à mesure que les années passent. La grande révélation n’était jamais venue. La grande révélation ne vient peut-être jamais. Elle est remplacée par de petits miracles quotidiens, des révélations, des allumettes inopinément frottées dans le noir ; en voici une. Ceci, cela et l’autre chose ; elle-même, Charles Tansley et la vague en train de se briser ; Mrs. Ramsay les rapprochant ; Mrs. Ramsay disant à la vie : «  Arrête-toi  » ; Mrs. Ramsay faisant de l’instant présent quelque chose de permanent (comme dans une autre sphère Lily elle-même essayait de le faire) – cela était de la nature d’une révélation. (p.217)
Une très belle lecture, poétique et très inspirante, des réflexions sur l'art aussi : la création d'une œuvre, un tableau, où sera-t-il dans quelques années ? roulé sous un canapé ? à quoi bon créer ?

année de parution 1927 "To the lighthouse"
lu dans la traduction française de Maurice Lanoire

Illustration d'entrée de billet : Anita Savico

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