Le Bal de Sceaux - Honoré de BALZAC


Les six enfants de Mr et Mme de Fontaine, de la noblesse vendéenne, sont favorisés par les manœuvres du père, à avoir de belles positions et à faire de beaux mariages.

Grâce au bon sens, à l’esprit et à l’adresse de monsieur le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu’il fût, finit, ainsi qu’il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. (p.14)

Mais Emilie, la petite dernière des filles d'une vingtaine d'années, élevée dans le culte de sa petite personne rêve encore plus haut : devenir l'épouse d'un pair de France(*). Observant de haut la multitude de ses prétendants qu'elle critique sans vergogne, elle finit par jeter son dévolu sur Mr de Longueville, un très beau jeune homme, bien éduqué et très prévenant envers sa soeur, aperçu lors d'un bal à Sceaux où se pressent les parisiens en fin de semaine, attirés par l'aspect champêtre du lieu.

Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant sur le Parisien. Au milieu d’un jardin d’où se découvrent de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde ouverte de toutes parts dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d’élégants piliers. Ce dais champêtre protège une salle de danse. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n’émigrent pas une fois ou deux pendant la saison, vers ce palais de la Terpsichore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. (p. 56). 

Par la suite, son oncle, le comte de Kergarouët âgé de 72 ans, favorise la rencontre de sa nièce et de Mr Maximilien de Longueville.

Par ma foi, je suis un grand sot ! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête de qui nous sommes ? A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. Le vice-amiral avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époques de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait par le plus grand hasard rencontré l’inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l’âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d’une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l’immobilité qu’elle essayait d’imprimer à son visage. (p. 68). 

Pratiquement prête à s'avouer amoureuse, Emilie n'hésite pas une seconde à mettre fin à leur tendre relation naissante après l'avoir vu vendre dans un magasin. Bien plus tard, Emilie apprend la vérité sur la situation de Mr de Longueville et la raison pour laquelle il a accepté d'aider ses frère et soeur, Emilie le provoque encore une dernière fois en l'enjoignant de rester auprès d'elle au lieu d'accompagner sa soeur en Italie sinon il la retrouvera mariée à son retour. Elle décide alors d'épouser son vieil oncle avant d'apprendre que son ancien amoureux est finalement devenu pair de France. 

*grands officiers, vassaux directs de la couronne de France, ayant le titre de pair de France.
 

Deuxième tome de la comédie humaine où Balzac dépeint la société de son époque (période de la Restauration) sous toutes les coutures. Ici il est question de la petite noblesse royaliste qui, patiemment, attend son heure de gloire, en cumulant les flatteries. Parmi celle-ci, Balzac jette son dévolu sur une petite prétentieuse qui finira par être prise à son propre piège en sacrifiant son véritable attachement au bénéfice d'une position sociale avantageuse mais sans amour.

J'ai trouvé les premières pages décrivant le contexte de la famille de Fontaine très laborieuses et assez laconiques. Mon intérêt s'est accru à partir du bal de Sceaux où la prose de Balzac déverse beaucoup d'humour dans la manière où Kergarouët manigance pour provoquer de Longueville afin de le faire rencontrer sa nièce.

En reconnaissant dans la cour d’un élégant pavillon le jeune homme qu’il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l’ancienne cour.
– Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l’âge de soixante-treize ans, avec le fils ou le petit-fils d’un de mes meilleurs amis ? Je suis vice-amiral, monsieur. N’est-ce pas vous dire que je m’embarrasse aussi peu d’un duel que de fumer un cigare. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu’après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre-de-biche ! hier, j’avais, en ma qualité de marin, embarqué un peu trop de rhum à bord, et j’ai sombré sur vous. (p. 77).

Les personnages de Kergarouët et Emilie sont les plus développés mais Maximilien reste un peu trop en retrait, on ne sait pas trop ce qu'il pense vraiment de cette histoire le pauvre. Il est abasourdit c'est certain de la tournure de sa rupture mais je trouve que Balzac ne lui donne pas vraiment la parole et il semble subir son sort.

Kergarouët et Emilie s'entendent bien tout au long du roman et le fait qu'ils finissent par se marier est un peu surprenant puisque Kergarouët estime Emilie comme sa propre fille et pas du tout comme une épouse. On aurait pu imaginer une suite à cette histoire (genre à la mort de Kergarouët Emilie se remarie avec Longueville) mais c'est une autre histoire.

Paru en 1830
lu en version électronique grâce à
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Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s’empêcher d’embrasser par son dernier regard la profondeur de cette odieuse boutique où elle vit Maximilien debout et les bras croisés, dans l’attitude d’un homme supérieur au malheur qui l’atteignait si subitement. (p. 110).
Illustration d'entrée de billet : Walter Heimig "Ball Scene"

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