Ali et sa mère Russe - Alexandra CHREITEH



Liban en 2006. Lorsque le Hezbollah* enlève deux soldats israéliens, Israël déclare la guerre au Liban. La Russie décide de rapatrier ses ressortissants et un bus part de l’ambassade de Russie à Beyrouth vers un aéroport syrien. La narratrice voyage avec Ali, son ancien camarade de classe, tous les deux d'origine russe. Tandis qu'elle prend les évènements avec optimisme, entièrement centrée sur son problème de vessie, Ali vit dans la crainte que l'on découvre d'une part son homosexualité, d'autre part, que sa mère est juive, ainsi que lui.


Tout d'abord, je dois dire que ce livre est une belle surprise découverte dans la collection des éditions Perspective Cavalière dont j'ai déjà lu deux romans (cette petite maison d'édition est consacrée à la littérature mondiale et aux minorités sexuelles). La qualité des textes est remarquable, ce qui mérite d'être souligné. Alexandra Chreiteh a déjà été traduite de l'arabe à l'anglais mais ceci est le premier roman traduit en français. L'auteur est née à Moscou, de mère russe et de père libanais. Ses écrits sont d'abord en Arabe où elle décrit un Liban d'après guerre et la société tiraillée entre traditions et modernité.

édition anglaise sortie en 2015

A partir d'un évènement réel : un commando du Hezbollah enlève deux soldats israéliens à la frontière en juillet 2006 dans le but d’obtenir un échange avec plusieurs prisonniers libanais et palestiniens et en représailles Israël bombarde le Liban, l'auteur relate l'impact de la guerre sur les rapatriés d'origine russe avant et pendant le voyage en car de Beyrouth vers la Syrie (450 km environ).

L'auteur prend le contrepied de cette tragédie humaine (émigration), sociale (des familles se séparent) et spirituelle (la religion entre en compte) par l'humour tout au long du livre. A situation exceptionnelle, la narratrice semble ne pas s'émouvoir plus que cela et à prendre les choses avec beaucoup de détachement et d'optimisme car elle a des problèmes plus urgents à traiter : elle veut s'affranchir de l'emprise de sa famille en particulier de son père qui veut absolument la faire revenir auprès de lui et souffre d'une maladie chronique qui l'oblige à aller souvent aux toilettes.

L'auteur s'attache à traiter le sujet à l'échelle de l'humain : ainsi telle épouse va pouvoir échapper à son mari musulman fanatique (réclusion au foyer, interdiction de travailler, obligation du port du hijab) et retrouver sa liberté, Ali de son côté décide de partir en Russie où il va pouvoir vivre son homosexualité sans crainte d'être emprisonné voir pire. Durant le voyage, il avoue à la narratrice qu'il est juif et lui fait promettre de garder le secret. Perte et oubli de passeports accentuent l'effet tragi-comique de ce périple. 

Avec un style très vivant intégrant de nombreux dialogues, beaucoup de réparties ironiques ou humoristiques, ce roman se lit très vite (90 pages).

*Hezbollah (groupe islamiste chiite politique basé au Liban) 

Or, à ma grande surprise, ma mère m'annonça qu'elle voulait maintenant quitter le pays grâce à l'opération d'évacuation que l'ambassade de Russie organisait pour ses ressortissants, mais qu'elle ne le ferait que si je l'accompagnais. je lui dis de partir seule si elle voulait, parce que moi, je restais à Tripoli. Sauf que les évènements du lendemain me firent changer d'avis. Car une bombe s'abattit sur le phare situé à quelques mètres de la piscine où on passait nos journées, et aune autre tomba sur le quartier voisin. (p.16)

roman écrit en arabe en 2009
traduit de l’arabe par France Meyer en 2021
 
 

Le roman en quelques caractéristiques

Livre unique. Suite au bombardement du Liban, des ressortissants russes entament un voyage en car pour rejoindre la Syrie d'où décollera un avion pour Moscou. La violence (effets de la guerre) n'est pas décrite explicitement et est atténuée par l'humour. Pas de scène de sexe. Une bonne qualité d'écriture avec un style ironique.


Illustration d'entrée de billet : Beyrouth, l'entrée du cimetière par Félix Ziem

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