Blackwater, tome 4 : La guerre - Michael McDowell



Un peu avant que l'Amérique ne s'engage dans la guerre après l'attaque de Pearl Harbor, certains habitants de Perdido et alentours voient leur vie bouleversée : deux vauriens attaquent une supérette station-service et laissent la patronne menacée par une arme rudement éprouvée. La famille Caskey, liée à l'un des deux, prend en charge les dédommagements d'un point de vue financier et solidaire en donnant de leur personne à la station-service. L'autre vaurien investigateur de l'attaque à mains armées, est condamné à la prison. A la surprise de tous, Miriam, la fille ainée d'Elinor part subitement dans une université catholique jésuite à 1h30 de Perdido et ne donne plus de nouvelles. De son côté Elinor se sent mal et décide de rejoindre sa famille, en fait se plonger quelques semaines dans cette eau noire qui va la requinquer. La guerre déclarée, le travail s'organise autrement, y compris à la scierie : les femmes, les noirs s'y mettent tandis que les hommes rejoignent l'armée pour se former ou aller "sur le terrain". Le rationnement semble moins toucher Perdido qui dispose de meilleures ressources que d'autres villes, et étant proche de la base aérienne, elle accueille les soldats comme 20 ans auparavant, en 1919, elle avait accueillis les travailleurs de la digue. Lorsque réapparait le deuxième vaurien de l'attaque de la station service avoir purgé sa peine en prison, il s'en prend à une Caskey par alliance, mais Frances, la deuxième fille d'Elinor, qui est de la même nature monstrueuse que sa mère, s'occupe de lui et le fait disparaitre dans les eaux noires. Surprise par ses propres actes horribles, Frances questionne sa mère qui la rassure et lui assure que rien ne s'oppose à son mariage avec le jeune homme qui fréquente la famille depuis quelques temps et qui est amoureux d'elle. 

Dans ce tome, on voit bien que l'auteur avait une longueur d'avance sur bien des choses qui nous semblent  naturelles aujourd'hui : 
-le travail des noirs - on n'oublie pas que nous sommes en Alabama ! Ici, ils vivent dans leur partie de ville mais sont bien intégrés dans la famille et en font partie, d'ailleurs, ils héritent ;
- les relations / attirances de même sexe : bien qu'il n'y ait aucun passage "olé olé", il règne un grand souffle de liberté et d'acceptation des différences ;
- la meurtrissure des viols : à ce stade de la saga : on a tout de même deux femmes violées qui mettent au monde un enfant qui, fort heureusement, sera accepté et choyé comme il faut.

Je suis toujours très enchantée à la lecture de cette saga et j'ai beaucoup de plaisir à lire cette histoire, exactement comme le suppose l'auteur lorsqu'on lit à la fin de chaque tome :
"Il n'y a pas d'autre raison de lire que le plaisir. On peut toujours avancer que cela permet d'apprendre des choses, mais au fond la seule vraie raison qu'on ait de lire est le plaisir, et c'est pour ça que j'écris." Michael McDowell

édité en 1983

En rêve, Frances voyait les choses secrètes qui demeuraient tapies sous la surface de l'eau claire et regardaient avec avidité passer l'automobile sur la chaussée. Elle savait ce qui se dissimulait dans l'herbe rase des vagues îles marécageuses, quelles choses mortes gisaient tordues et brisées sous la boue immémoriale. Elle rêvait des os enfouis sous les monticules herbeux, elle voyait ce qui déchirait les filets des pêcheurs, elle comprenait pourquoi les pêcheurs eux-mêmes disparaissaient parfois. (p.91)


Madalyn McLeod





Illustration d'entrée de billet : Anna Dittmann


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