Love, Lies and Indomee - Nuril BASRI


Ratu ("Reine" en indonésien) est une jeune femme à la recherche d'un petit ami afin de couper court aux questions envahissantes de ses parents qui désirent qu'elle se marie à l'approche de la trentaine. Après être tombée amoureuse d'un bel homme qui finit par en épouser une autre, elle accepte un mariage de raison pour faire plaisir à ses parents, finit par l'aimer avant de découvrir pourquoi il l'a épousée.

  


"Raison et sentiments" (Sense and sensibility")

Dans un récit à la recherche de l'amour perdu, Nuril Basri évoque la difficulté de trouver l'âme soeur dans une société influencée par l'argent, l'apparence, le poids de la famille. L'histoire se passe en Indonésie mais pourrait tout à fait être reportée dans n'importe quel pays, y compris en France, où les jeunes trouvent du travail souvent loin de chez eux, devant accepter un logement pratique non loin du travail mais souvent exigu et partagé, devant être éloignés de sa famille qu'il faut visiter le plus souvent possible et dont il faut supporter la pression d'obligation de fonder une famille à l'approche des 30 ans. Grâce à un humour de situation souvent mélancolique que j'apprécie, Nuril Basri traque sans pitié la vérité des sentiments face à la raison et déroule sa tragédie moderne des amours déçues, des conventions asphyxiantes et sur la désillusion, héritière de non-dits néfastes.

Développement

Ratu, 27 ans, travaille à Jakarta où elle dispose d'une chambre dans une colocation. Ratu est mal dans sa peau, se trouve grosse et n'aime pas ni son visage, ni ses cheveux c'est pourquoi elle choisit de mettre un avatar sur son profil Facebook afin de ne pas décourager d'éventuels jeunes hommes avant leur rendez-vous.
I use a Hello Kitty doll as my profile picture, so I seem like a cute—yet mysterious—girl. Here is the problem: if I use my real face, nobody would want to meet me. I swear! It’s not that I make a habit of asking boys out—I’m not that cheap—but I need a boyfriend. Right now. And because work keeps me so busy, I only get to meet boys online. (p. 5)  

ma traduction

J'ai mis une image Hello Kitty en guise de profil sur Facebook pour me donner un air mignon et mystérieux, car le problème c'est que si j'utilise mon vrai visage, personne ne va vouloir me rencontrer, je le jure ! Je n'ai pas non plus l'habitude de demander aux garçons de sortir avec moi, je ne suis pas si misérable, mais j'ai besoin d'un petit ami. maintenant. Etant donné que je travail trop, je ne peux le trouver que sur Internet. 


C'est ainsi qu'elle rencontre Hans, beau comme un acteur dans le drama coréen Boys over flower. Au premier abord, il se comporte comme un gougeât mais elle finit par le contacter pour lui proposer un travail : se faire passer pour son petit ami devant ses parents. Deux ans passent et le faux couple devient presque vrai tout en restant chaste, car Ratu a des principes, mais Hans lui papillonne sans vergogne et finit par être obligé d'épouser une fille qu'il a mise enceinte. Désespérée, Ratu qui croyait à son prince charmant, décide contre toute attente d'épouser l'homme que lui présente ses parents mais pour elle ce sera un mariage blanc car elle ne supporte pas sa présence, encore moins sa proximité même si elle n'arrive pas à dormir seule dans leur maison commune (elle fabrique un barrage dans le lit pour éviter qu'ils ne se touchent en dormant : qu'est-ce que c'est drôle !!!).

Ratu a un poste intéressant à l’ambassade de Corée à Jakarta et bien entendu, il est hors de question qu'elle arrête de travailler, d'autant qu'elle croit que Inu, son mari, est un simple chauffeur Gojek, le Uber indonésien. Il est impensable pour elle de rester vivre à Bogor sans rien faire : sa maison est tellement impersonnelle qu'elle ne songe pas à y emménager totalement et elle conserve son appartement à Jakarta, de plus elle aime trop son travail qui lui offre non seulement une indépendance financière mais également une satisfaction personnelle de se sentir utile.

Prise dans ce jeu de dupes, Ratu fait perdurer la relation avec Hans durant 2 ans, navigant le week-end entre Jakarta et Bogor où habitent ses parents (1 heure de trajet environ), espérant qu'il finisse par la demander en mariage. Mais Hans tout en lui avouant qu'il l'aime lui apprend qu'il a mis enceinte une autre femme et qu'il doit l'épouser. Désespérée, Ratu accepte d'épouser l'homme que ses parents lui présente sans rien savoir de lui, juste pour contrarier Hans.

I’m not thinking about all that. Sure, I did, once. A dream wedding with a dream man. But the way things have turned out? I’m not marrying for love anymore. You could say I’m marrying against my will (and also for vengeance)—to somebody I don’t even know. This is not the wedding of my dreams. So I don’t care. (p. 74).

Ma traduction
Je ne pense pas à ça (la robe, la bague). Bien sûr, j'y ai pensé autrefois : un mariage de rêve avec un homme de rêve, mais les choses ont mal tourné. Je ne me marie pas par amour et tu pourrais même dire que je me marie contre mon gré, et même pour me venger, à quelqu'un que je ne connais même pas. Ce n'est pas le mariage de mes rêves alors je m'en fous. 
 

Le jour du mariage, Ratu découvre que son mari n'a plus de famille (parents morts et fils unique) et le lecteur découvre que Ratu avait une grande soeur (c'est important pour la suite).

I am an only child, too. Well, not really. There was my sister. She was two years older. She has been gone a long while. She died when she was in her second year of secondary school. I was in my third year of middle school. I try not to think about her. It is all heartache. I loved her. The fact that somebody I loved so much is gone…that is torture. I don’t want to remember her. She should be here, sharing this with me. My best friend. She always listened to me. When she was alive, I wasn’t fat. We’d watch our weight together. People used to say we looked alike, but she was way prettier than I. (p.77)

Ma traduction

Je suis moi aussi enfant unique. Enfin, pas vraiment car j'avais une grande soeur nous avions 2 ans d'écart, elle est morte depuis longtemps elle avait 16 ans et j'en avais 14. J'essaye de ne pas penser à elle car cela me brise le coeur et je ne veux pas trop me rappeler d'elle. Elle devrait  être ici et partager ce moment avec moi. Ma meilleure amie, elle m'écoutait toujours. Quand elle était là je n'étais pas grosse, on surveillait notre poids mutuellement. Les gens disaient qu'on se ressemblait mais elle était bien plus belle que moi. 


Après son mariage que Ratu espère le plus court possible afin de pouvoir enfin convoler avec son chéri Hans, la jeune femme est submergée par un nouveau sentiment lorsque débarquent deux connaissances de Inu : sa cousine et une amie d'enfance belle comme Dian Sastro (voir ci-contre), une actrice célèbre, toutes deux très inquisitrices, n'hésitant pas à envahir son espace domestique, faire la lessive, faire des courses, s'occuper de la décoration de sa nouvelle maison à Pamulang (1h de Jakarta). Ratu se persuade qu'elle n'est pas jalouse mais la situation lui échappe et force est de constater que son mari mérite bien qu'elle s'y intéresse un peu plus, exigeant même qu'il l'emmène en voyage de noces et ce sera à Yogyakarta à environ une demi journée de trajet en bus (passages très drôles).

The car fills up. A conductor comes around, renting out pillows. What for? The pillows all run out, oddly. Do these passengers expect to sleep all the way there? Really? Hah. Turns out they do really sleep all the way. I’m not joking. “You go to Yogyakarta often, Mr Inu?” I ask. “Not really,” he says. “Oh.” That’s all. Nothing else to say. Why doesn’t he say anything? Ask me something, maybe. The places I’ve been to. Where I like to go. Anything. He’s like some kind of bad actor. “Have you been to Jogja?” he asks. Finally! At least he’s talking. So I won’t fall asleep. This bad actor knows how to improv a little, after all. “Once, when I was in middle school, on a study tour,” I say. His response? “Oh.” Exactly like I answered, a moment ago. It really hurts. What is this? Oh. Oh. Doesn’t he have a follow-up question? Act interested, at least? So irritating. Why did God make a person like Inugrahadi and forget to make him a brain? “How long do you think this journey will take?” I ask him. What my tone is saying is: “Oh God, I can’t wait for this to end!” (p. 111). 

Ma traduction

Le bus se remplit et le chauffeur passe dans l'allée pour louer des oreillers. Pour quoi faire ? Etonnamment, tous les oreillers sont empruntés. Est-ce que les passagers espèrent vraiment dormir tout le trajet ? Vraiment ? Ah et bien il s'avère qu'ils ont vraiment dormi tout ce temps, je ne plaisante pas. Je demande à mon époux : "Est-ce que vous êtes souvent allé à Yogyakarta Monsieur Inu ?" Il me répond : "Non pas vraiment".

"Oh" ! Et c'est tout ? Rien de plus ? Pourquoi est-ce qu'il ne dit rien ? Demande moi quelque chose par exemple. Les endroits que j'ai visité. Ceux que j'apprécie, n'importe quoi. Il ressemble à un mauvais acteur.

"Etes-vous allée à Jogja (= Yogyakarta), me demande-t-il. Enfin ! Il a finit par placer un mot ainsi je ne vais pas avoir à dormir. Cet acteur raté sait finalement comment se bonifier. Je lui réponds : "J'y suis allée une fois quand j'étais au collège en voyage d'études".

Sa réponse fut : "Oh !" la même exclamation que la mienne juste avant. C'est vexant. Qu'est-ce que cela veut dire ? Oh. Oh. est-ce qu'il n'a pas d'autre question à poser ? Faire semblant au moins ? C'est tellement énervant. Pourquoi Dieu a-t-il créé une personne comme lui et oublier de lui donner une cervelle ? "Tu crois que ce voyage va durer longtemps ?" lui demandai-je ?  Mais ce que je voulais sous-entendre c'est "Oh mon Dieu vivement que ce voyage se termine".


Sous une apparente tragédie comique, l'auteur raconte avec beaucoup de psychologie les relations complexes au sein des familles, d'un couple qui s'apprivoise, la perte d'un enfant ou d'une soeur, le monde du travail, les bonnes et mauvaises raisons du mariage, la nécessité de se convertir à la religion du conjoint, l'abandon d'un rêve face à la réalité et surtout, la difficulté de se trouver une raison de vivre.

roman publié en 2016
traduit en anglais en 2019 avec le titre "Love Lies and Indomee"


Paru en 2016 sous le titre Enak, il a été traduit en anglais par Zedeck Siew qui vit en Indonésie et a choisi le titre de "Love, Lies and Indomee", le mot Indomie étant une marque de nouilles instantanées dont il est régulièrement question dans le roman.



 

roman publié en 2019 langue anglaise
250 pages


Ma page sur l'auteur

Illustration d'entrée de billet : Cok Wisnu (deux indonésiennes, rapport à Ratu et sa soeur)

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