HARRISON Jim - La Route du retour


Au travers de cinq journaux intimes, nous plongeons au coeur d'une famille meurtrie par les amours contrariées, qui soigne ses blessures intimes grâce à la nature, essentielle, ainsi que les tentatives de comprendre l'être humain dans son environnement. Le premier journal rédigé par Northbridge nous conte son histoire, ses parents (sa mère indienne et son père intransigeant), son amour de jeunesse perdu (une indienne), ses fils Paul et John Wesley, la mort de J.W. en Corée (le père de Dalva), sa belle-fille Naomi, ses petites-filles Dalva et Ruth, le génocide des indiens, son amour pour la nature, la peinture, la musique, les chevaux et les chiens, sa haine du fric (alors qu'il est riche), ses amitiés et sa peur de la mort après une attaque cardiaque. 29 ans plus tard, nous découvrons ce qu'est devenu le fils abandonné de sa petite-fille Dalva (qui le met au monde à peine âgée de 16 ans), un nomade qui étudie la faune et la flore des grands espaces soit pour lui-même soit pour des projets d'études après avoir reçu une éducation privilégiée au sein d'une famille aimante quoique non dépourvue de problèmes (mère alcoolique), qui entreprend de rencontrer ses mère et grand-mère biologiques sous le prétexte de compter les oiseaux de leur propriété. Pour finir, nous découvrons les journaux de Naomi (la mère de Dalva), celui de Paul (son oncle), en enfin celui de Dalva dans lequel nous découvrons sa maladie soudaine à son dernier stade. Cacun donne ainsi un éclairage personnel aux évènements qu'ils ont pu partager, ou apporte des réponses.
Les morts ne se métamorphosent pas volontiers en sources de réconfort, quand nous les avons tant aimés. (p.17)
Reprenant les mêmes personnages apparaissant dans Dalva, Jim Harrison poursuit 10 ans plus tard le magnifique travail de sculpteur des sentiments qui fait de lui le meilleur auteur vivant de ce siècle ; c'est mon avis. Le style est d'une incroyable générosité, impudique et sincère. Magnifique et riche.
Nous pensons à la vie comme à un solide immuable et nous sommes sidérés quand le temps nous apprend qu'il s'agit d'un liquide. Le vieil Héraclite ne pouvait se baigner une seule fois dans le même fleuve, encore moins deux fois. (p.21)
L'auteur témoigne ainsi de l'influence de la nature, l'art, la musique (y compris celle des oiseaux) ou encore la littérature sur la pensée humaine toujours en proie à des questions aussi banales et sérieuses que la peur d'avoir raté l'occasion d'une vie, ses amours, le tout en s'enfonçant inexorablement vers la mort.
...jetant un coup d'oeil au salon où Ruth travaillait un morceau de Chopin, elle me demanda si je pensais mourir bientôt, et je lui répondis :"Pas avant octobre."Ce choix d'un mois précis nous a fait tous deux éclater d'un rire nerveux, car nous savions elle et moi combien il était illusoire de vouloir contrôler notre existence et notre destin quand, en dernier ressort, nous ne sommes que des trajectoires. (p.171)
J'ai préféré ce livre à Dalva, pourtant très beau aussi, mais "la Route du retour" est à mes yeux un roman parfait et très bien construit, qui montre les différentes pièces du drame aux accents antiques de la famille Northbridge sous un nouvel angle.

titre original : The Road Home (1998)
580 pages
    3 parties
    1/ journal de Northbridge -1952 à 1957 (192 pages)
    2/ journal de Nelse -été 1986 (177 pages)
    3/ journaux de
          *Naomi -octobre 86 (48 pages)
          *Paul - Noël 86 (51 pages)
          *Dalva - avril 87 (100 pages)
édition française 1998 par Christian Bougois éditeur
traduction de l'américain par Brice MATTHIEUSSENT
illustration d'entrée de billet : "Part of rural Nebraska's varied bird life, May 1973" par Charles O'Rear

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