Stöld - Ann-Helén LAESTADIUS


Stöld suit l'histoire d'une communauté sami et plus particulièrement les évènements subits par Elsa, une fillette âgée de 9 ans qui s'attache à un faon de renne qu'elle nomme Nástegallu. Elle est témoin de l'assassinat gratuit de son faon par un homme qu'elle reconnait mais qui menace de la tuer. Choquée, elle ne veut en parler à personne. Dix ans plus tard, Elsa décide d'agir à sa façon en avertissant les médias, car d'une part, les assassinats récurrents de rennes sont considérés par la police comme des vols et non des meurtres et il y a toujours un classement sans suite (faute de preuve mais surtout faute d'enquête), et d'autre part, les anciens de la communauté Sami choisissent de faire profil bas pour ne pas attirer l'attention sur eux qui subissent déjà la haine de ceux qui ne font pas partie de leur communauté.




Pour ceux qui me suivent sur mon autre blog consacré aux films et séries, vous savez déjà que j'ai vu récemment le film adapté de ce roman ; mais là où le film consacre 10 minutes à l'enfance d'Elsa, celle-ci est détaillé sur un tiers du roman.

Il y avait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi bien en lisant un livre, comme si je retrouvais un endroit satisfaisant, très proche des récits de "nature writing" de mon cher Jim Harrison (ici le lien vers le site que je lui consacre).

En effet, la prose est très agréable, ce roman est très bien traduit (par Anna Postel), il n'y a aucune faute de style, aucune redondance, tout est parfait pour découvrir le peuple sami et partir dans le grand nord en compagnie d'Elsa, le personnage principal mais le roman suit également d'autres personnages : 
- les membres de la famille d'Elsa : son père Père Niels Johan, sa mère Marika, son frère Matthias, les grands-parents,
Anna-Stina, sa meilleure amie âgée de 2 ans de plus, 
- les parents d'Anna-Stina : Ante et Hanna, 
Lasse, l'oncle d'Anna-Stina (petit-frère d'Hanna qu'elle considère comme son fils),
Jon-Isak, le petit frère d'Anna-Stina.

Les journalistes se contentaient généralement d'une brève à propos des rennes morts. Ils ne cherchaient pas à creuser. Celle-ci était peut-être différente. A moins qu'elle ne soit attirée par ces dépouilles de rennes insolemment posées devant la porte du commissariat. Elsa ne voulait pas passer pour une pleurnicharde, elle voulait juste que les gens comprennent. Trop souvent c'étaient les Samis qui criaient le plus fort qui parvenaient à s'imposer dans les médias, car les journalistes aimaient attiser les conflits. Certains Samis aimaient repousser les limites, s'exprimer avec âpreté, mépris, voire de manière menaçante à propos de la société majoritaire. C'était "eux" contre "nous". Elsa avait du mal avec ce genre de rhétorique. C'était beaucoup trop facile pour ceux qui les haïssaient de faire des amalgames, de traiter tous les Samis de chouineurs ou de révoltés. Aujourd'hui c'était peut-être elle qui dépassait les bornes. En restant plantée là, les bras en croix, devant les cadavres de ces animaux. (p.205)

 


Les Sami, dernier peuple indigène d’Europe, sont principalement des éleveurs de rennes (renniculture) et leurs activités s'opposent à la vie des mineurs, ce qui fomente des conflits haineux, qui évoluent parfois de façon dramatique lorsque les rennes en sont les victimes.
La discrimination se propage jusqu'à l'école : petite, Elsa subit du harcèlement (intimidation, y compris de la part d'adultes, elle est mise à l'écart par les autres enfants car la cantine est mixte entre les indigènes samis et les autres) et plus tard, Jon-Isak se bat avec un autre enfant lorsqu'il est traité de "sale lapon" (mot très péjoratif).

L'histoire est fictive mais Ann-Helén Laestadius (journaliste et auteur de livres) s'inspire d'événements vécus par les Samis et détaillent les rapports qu’ils entretiennent avec la nature, les animaux, le cycle des saisons.

Un véritable coup de coeur !
 
publié en 2022 (suédois)
2024 pour la version française


La famille n'avait pas choisi une pierre lisse à la surface brillante  et polie, mais une pierre rugueuse sous la pulpe des doigts, voire acérée par endroits. Aucune ligne droite. Une pierre indomptée pour un homme indomptable. Elsa ne pouvait s'empêcher de penser  que c'était exactement ce qu'il aurait voulu, être dompté, se trouver, être comme les autres, mais cela n'avait pas été possible. Pour des raisons qu'elle était à l'époque trop petite pour comprendre. Les promesses qu'il lui avait faites s'étaient envolées au loin. Et les réponses qu'elle attendait, qui devaient revenir avec le vent, étaient restées lettre morte. (p.180)


Illustration d'entrée de billet : troupeau de rennes sur Les Sami, peuple de Laponie

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