L'empoisonneuse d'Istanbul - Pétros MARKARIS
Le commissaire Charitos et son épouse partent en voyage en Turquie pour oublier le fait que leur fille a fait un mariage civil et n'envisage pas de passer devant le pope. Son séjour de vacances est compromis lorsqu'une nonagénaire est présumée coupable d'avoir empoisonné son frère en Grèce avant de filer à Istanbul, ville où elle est née et a vécu dans sa jeunesse avant d'émigrer. Son chef lui demande de coopérer avec un policier turc : il sera en effet plus facile pour lui de rentrer en contact avec des témoins éventuels de la communauté Roum, la minorité grecque byzantine d'Istanbul. C'est ainsi que le commissaire découvre la ville, soit en tant que touriste dans son pullman avec son épouse et ses compagnons de voyages parfois envahissants, soit en voiture officielle à la poursuite de Maria, une vieille femme malade qui use ses dernières forces pour se transformer en Nemesis.
Mais la colère est un excellent stimulant de la mémoire, au contraire de la tristesse, qui engloutit les souvenirs.
Je découvre un auteur policier tel que je les aime et qui, sous le prétexte d'une enquête, nous font découvrir une société, ses codes, son histoire ; il sera question ici de la communauté Roum dont je n'avais évidemment jamais entendu parlé et c'est ce que j'aime en lisant la littérature étrangère : agrandir mes connaissances. L'auteur est lui-même né à Istanbul (en 1937) d’un père grec et d’une mère arménienne. Son héros récurrent : le commissaire Kostas Charitos est le sujet de 14 romans (celui-ci est le 5è) et je ne l'abonnerai pas à la fin de celui-ci : le style est très agréable, il y a beaucoup d'humour et de dérision ; la narration est à la première personne ce qui n'est pas un problème même lorsqu'on est une femme, j'arrive à me glisser dans la peau du personnage sans problème. La vieille Maria parcourt le roman de son ombre fragile, et déjà on est de son côté malgré l'horreur qu'elle sème sur son passage (passer la souris sur les couvertures du livre pour connaitre le pot aux roses).
On a frôlé l'apothéose lorsque, en sus du couple Stéphanakos, de Mme Pétropoulos et de la très sérieuse générale Despotopoulos, son retraité de mari en personne est monté sur scène pour danser avec la même fièvre que lorsqu'il se trémoussait sur les notes d'un kalamatiano lascif dans sa caserne chaque dimanche de Pâques. Tout le groupe était debout, frappant des mains et criant sa joie, à l'exception d'Adriani, restée assise pour scander la mesure, et de Mme Mouratoglou, qui n'applaudissait qu'en fin de morceau. Pour ma part, je me suis contenté d'applaudissements plus visibles qu'audibles, il faut bien le dire.Mme Stéphanakos a alors proposé de rentrer à l'hôtel à pied « afin de s'aérer». Ladite aération ne devait être qu'un prétexte pour ne pas souiller le taxi. Alors que nous approchions de Taksim, elle s'est engouffrée dans un passage obscur pour rendre tripes et boyaux. Despotopoulos tenait fermement sa digne épouse par le bras, certainement afin de ne pas la voir s'effondrer au champ d'honneur. La seule à ne montrer aucun signe de défaillance était Mme Mouratoglou, qui, en dépit de son âge, parce qu'elle a certainement été élevée au raki, faisait montre d'une résistance à toute épreuve.Les cafés matinaux ont eu l'efficacité d'un emplâtre sur une jambe de bois. J'ai peine à garder les yeux ouverts et les bercements de la voiture ne font qu'empirer la situation. (p100)
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