SEPÙLVEDA Luis - Le Vieux qui lisait des romans d'amour


Amazonie. Lorsqu'un chasseur blanc et blond est retrouvé mort par les indiens Shuars et rapporté par eux au village El Idilio que borde le fleuve Nangaritza, le maire "Son Excellence" dit aussi "La Limace" pour cause de sudation excessive accuse les Shuars. Mais Antonio José Bolivar, le vieux du village, arrivé en ces lieux depuis longtemps et connaisseur du monde sauvage, hommes et animaux compris, découvre de suite qu'il s'agit là de l'oeuvre d'une femelle jaguar, en chasse contre les hommes qui ont massacré sa famille. Le vieux accepte donc de partir à la recherche du fauve, délaissant pour un temps sa solitude et les livres qu'il chérit tant.
Ce fils de pute de gringo a tué les petits et il a sûrement blessé le mâle. Regardez le ciel, vous voyez bien que les pluies arrivent. Maintenant, représentez-vous la scène. La femelle a dû partir à la chasse pour se remplir la panse et pouvoir allaiter tranquillement pendant les premières semaines de pluie. Les petits n'étaient pas sevrés et le mâle est resté les garder. C'est comme ça chez les bêtes, et c'est à ce moment que le gringo a dû les surprendre. Maintenant la femelle rôde folle de douleur. C'est l'homme qu'elle chasse. Elle n'a certainement pas eu de mal à suivre la piste du gringo. Elle n'avait qu'à flairer l'odeur de lait qui collait au malheureux. (p.28)
Attention ! Pépite que ce livre qui nous emporte à la lisière de la forêt amazonienne, dans un petit village isolé et ravitaillé par bateau, qui reçoit la visite bi-annuelle d'un dentiste pourvoyeur de romans pour le vieux colon qui les apprécie tant car ils lui font oublier la folie des hommes. Ancien ami des Shuars, les indiens de la forêt, il en connaît tous les dangers et se dévoue pour affronter les fauves rescapés du carnage d'un chasseur idiot qui y a laissé la vie. Le lecteur traverse cette quête au coeur d'une forêt hostile à bien des endroits, embarqué par une prose vivante, colorée et foisonnante. L'auteur ne manque pas d'encadrer le tableau par quelques explications de l'ordre social de cette région (le "maire", ses impôts et ses indulgences) et de rajouter de subtiles touches d'ordre écologique.

A lire absolument.


titre original : Un viejo que leía novelas de amor
sorti en 1992 et édité en France aux Éditions Métailié en 1992
107 pages
traduction de l'espagnol (Chili) par François MASPERO
illustration d'entrée de billet : "Surpris" par Henri ROUSSEAU (1891)

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