Encres de Chine - Xiaolong QIU


Shanghai. Une ancienne garde-rouge devenue par la suite dissidente, compagne d'un célèbre écrivain, écrivain elle-même auteur d'un roman devenu "culte", est retrouvée assassinée dans le réduit qu'elle occupait, à l'entresol d'un Shikumen où s'entassent une quinzaine de familles. L'affaire est confiée à la Brigade spéciale de la police de Shanghai dirigée par l'inspecteur Chen, lui-même en congés, car il est primordial que cette mort ne soit pas associée à un acte "politique". Tandis que Chen s’attelle à la traduction d'un rapport relatif à la construction d'un consortium touristique qui mêlera architecture traditionnelle et modernité du pouvoir d'achat, l'inspecteur Yu mène l'enquête, fortement aidé par sa dévouée épouse, férue de littérature, sur les traces de cette mystérieuse femme dévouée à son amour perdu, et qui croise la trajectoire de son unique héritier.



Après MORT D'UNE HÉROÏNE ROUGE nous replongeons dans la Chine des années 90, se relevant péniblement des années post "révolution culturelle". Les intellectuels qui ne sont pas morts en camps de rééducation se dévouent à la mémoire des disparus. Ainsi l'ancienne garde-rouge tombée amoureuse de Yang, un écrivain de 20 ans son aîné se dévoue corps et âme à la mémoire de celui-ci.
Yu tenta de se rappeler la façon dont Chen s'était frayé un chemin dans la jungle de la politique du Service. D'ailleurs il en voulait un peu à Chen, aussi. Hier soir, il était certain d'avoir entendu des chuchotements et de la musique, en fond sonore de leur conversation téléphonique. Ce que faisait Chen ne regardait que lui. L'inspecteur principal pouvait se permettre de prendre du bon temps, avec son statut, son "projet lucratif", sa carrière prometteuse, et sa "petite secrétaire". Pourtant cette idée mettait Yu mal à l'aise. Il était surpris des suggestions de Chen et se demandait comment, au beau milieu d'un travail de traduction urgent, il s'était débrouillé pour échafauder ces théories. Ce n'étaient malgré tout que des hypothèses, que rien de concret ne venait étayer. Lui-même avait effectué de timides incursions dans ces directions, sans résultat. (p.217)
Qiu Xiaolong décrit les contradictions de la Chine de cette période au travers du quotidien de Chen Cao, inspecteur célibataire mais bénéficiant d'un appartement avec salle de bain pour lui seul alors que la famille de son adjoint s'entasse dans un 20 m2 sans sanitaire. Le travail de traduction auquel il  s'adonne le fait entrer dans un monde de privilège : "petite secrétaire" dévouée qu'il aurait pu prendre pour maîtresse s'il n'avait été moins scrupuleux.

Je suis toujours enthousiaste de ce genre de policier, même si je regrette que la personnalité de l'inspecteur Chen, héros principal de cette série, soit trop superficielle : il a 35 ans, se rend compte qu'il lui faudrait s'établir et avoir une descendance, mais plus question d'amoureuse (ni la fille du ministre, ni la journaliste) : on a envie d'un peu de romance !


titre original : When red is black
année sortie 2004
édition française en 2004
chez Liana Levi
310 pages
traduction de l'anglais (Etats-Unis) par Claire MULKAI
illustration d'entrée de billet : © Christopher Lee


Pour ma lecture suivante, et parce que je poursuis mon été chinois je vais me plonger dans une Chine très traditionnelle : Meurtre à Canton de Robert van Gulik


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