La plaisanterie - Milan KUNDERA

 

La chevauchée des rois, tableau anonyme

Un étudiant communiste est renvoyé de l'université, exclu du Parti et enrôlé de force dans l'armée, sans une compagnie réservée aux "traitres" pour travailler dans les mines. Son crime est d'avoir osé écrire une carte postale à sa petite amie du moment « L'optimisme est l'opium du genre humain ! L'esprit sain pue la connerie ! Vive Trotski ! ». Ce qui n'était pour lui qu'une plaisanterie l'oblige à prendre un nouveau destin et d'abandonner ses rêves de physicien. Après des années passées dans la mine, il décide de se venger de l'ancien étudiant qu'il tient responsable de sa sentence d'alors. Ses actes n'auront pas l'effet escompté.

Mon avis
J'ai ce livre dans "ma pile à lire" depuis 5 ans et c'est à l'occasion du décès de l'auteur que j'ai eu envie de le lire. Bizarrement je m'attendais à un roman pompeux et philosophique rempli de notions et de citations inconnues et je tombe sur un roman rare de beauté, de vérité, de cruauté, à chaque page. Et dans un style qui me plait beaucoup.

Faisant parler tour à tour quatre personnages, l'auteur coud patiemment un motif de vengeance et de rédemption sur le linceul de sa jeunesse et de ses idéaux perdus.

Il y a Ludvik l'étudiant musicien, dégradé de son avenir scientifique par sa plaisanterie.
Son meilleur ami Jaroslav, musicien également, très attaché aux traditions.
Helena, une journaliste, qui se trouve être l'épouse de cet étudiant qui a été le plus vindicatif à son encontre et a précipité son exclusion de l'université et du parti.
Enfin, Kostka, un ancien comparse de Ludvik à l'université qui est très croyant.

L'auteur débute le récit avec Ludvik et achève le roman encore avec lui, une vingtaine d'années plus tard, après qu'il ait passé 5 ans dans les mines en tant que soldat puis civil (la mine paie bien). Ludvik a alors pu trouver un travail plus dans ses aspirations. Le point d'orgue de ce roman vers lequel l'auteur nous fait progresser est "La Chevauchée des Rois", une attraction festive traditionnelle durant laquelle nos quatre personnages se croisent, se retrouvent, s'avouent, s'expliquent.

A noter que l'auteur a repris lui-même la traduction française en 1985 et c'est cette version que j'ai lue.




...un chez-soi qui n'est que la maison des parents, ce n'est pas un fil ; c'est seulement le passé : les lettres qui arrivent de tes parents, ce sont des messages d'un continent dont tu t'éloignes ; pis, cette sorte de lettres ne cesse de te répéter que tu t'es égaré en te rappelant le port d'où tu appareillas dans des conditions si honnêtement, si laborieusement réunies ; oui, te dit une telle lettre, le port est toujours là, immuable, sûr et beau dans son ancien décor, mais le cap, le cap est perdu ! (p.88)

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