Augustus Carp - Sir Henry Howard BASHFORD


Angleterre, début du XXème siècle. Augustus Carp est l'antithèse de ce que l'on pourrait considérer comme un parfait gentilhomme car il est prétentieux, fat, suffisant, phallocrate, aucun adjectif ne manque à son actif d'homme qui mérite des claques, et ce, pour le plus grand plaisir du lecteur qui a dans ses mains son hilarante autobiographie (à son corps défendant).


Mon avis
Voici un livre choisi au hasard car je n'en avais jamais entendu parler. Les raisons sont les suivantes :
Le titre ? Enigmatique.
Le nom de l'auteur ? Inconnu.
La couverture ? pas spécialement.
L'épaisseur du libre (200 pages). Un peu, j'avoue.

Alors ?
J'ai lu en 4ème de couverture l'expression "Tout à fait réjouissant." 
Et c'est ce qui me fait l'emporter.

Depuis les pièces de théâtre de Molière, je n'ai jamais lu un livre de ce genre : où le héros est une sorte de Tartuffe, bourré de principes, engoncé dans une vertigineuse capacité à ne rien faire d'héroïque. Je confirme, c'est une histoire tout à fait réjouissante, qui m'a d'ailleurs fait rire à maintes reprises.

L'auteur est d'une imagination sans bornes pour ce qui consiste à faire passer notre héros pour un balourd, au propre comme au figuré puisque ce cher Augustus est légèrement enveloppé. En tout cas, pour un gars à qui il faudra bien tôt ou tard donner une belle leçon.

Augustus Carp est un énergumène qui s'évertue à réprimer les besoins de ses semblables qui désirent boire, fumer, danser : le soir venu, il passe son temps à distribuer des tacts et distiller le voeu d'abstinence. Il est une sorte d'oeuvre condensée de ce que je supporte pas : imbu de lui même, il traite sa mère comme une "bonne à tout faire" et ne semble respecter que ses propres béatitudes. Le contraire du personnage de John Irving dans Une prière pour Owen. Je me suis bien amusée lorsqu'il se prend une cuite mémorable avec l'aide de la régalade portugaise (du Porto) fournie en belle quantité par une implacable Nemesis. Car bien sûr, il y a un retour de bâton, sinon le comique serait beaucoup moins réussi.

Mention spéciale et particulière au traducteur qui nous plonge avec délices dans cette superbe pantalonnade en utilisant tout ce qu'il faut pour nous faire oublier notre incapacité à lire en VO ; pour ma part, je n'ai pas vu de maladroites répétitions (que je traque sans pitié).

Mon passage préféré :
...j'étais loin de penser, alors que je tâtonnais pour trouver la porte, que je n'avais pas encore abordé la dernière station de mon chemin de croix. Car, à peine arrivé à la grille du jardin de Mon repos, plutôt en meilleure forme que je ne l'escomptais, j'aperçus un tramway, surchargé à la limite de sa capacité légale, qui s'en approchait en cahotant sur les rails. Un seul coup d'œil au véhicule gorgé de femelles et dont les flancs étaient distendus par les bagages suffit à me paralyser d'horreur, quoique moins pour mon compte personnel que pour celui de mon père, qui était debout sur le pas de la porte, pétrifié. Il poussa un cri du pathos le plus extrême et, tandis que les huit sœurs de ma mère mettaient pied à terre, tomba à plat ventre sur l'allée du jardin pour ne plus jamais se relever.
C'en était trop pour moi aussi. Ebranlé au plus profond de mes fondations intimes, je tournai le dos à cette marée inexorable de femelles parlant gaélique et m'effondrai au côté de mon père, mais tête-bêche. (p.205 - Où les 8 tantes que son père avait exilées au pays de Galle, reviennent à Londres)
Avouons le : voilà ce qui s'appelle le comique de situation, ou encore la deadpan comedy -in english in the text.
Un mot sur l'auteur : Sir Henry Howarth Bashford (1880-1961) était avant tout médecin, et publia anonymement ce roman satirique qui brosse avec une jubilatoire férocité la mentalité de ses contemporains. Tout ceci ne peut que me le rendre encore plus sympathique !

Mais nous n'étions pas confinés à des distractions terrestres au bord de la mer et nous adonnions fréquemment, pendant peut-être un quart d'heure, à la pratique délicieuse de l'immersion pédestre. Le développement intégral de l'art natatoire nous était, bien sûr, totalement interdit pour raisons médicales ; nous trouvions néanmoins cette occupation fort hilarante et même des plus excitantes. Et je me souviens qu'au moins en deux occasions, par inadvertance passagère, nos pantalons retroussés furent partiellement submergés. Une vive retraite à la maison, toutefois, ainsi qu'une tasse de lait chaud et un prompt alitement suffirent dans chaque cas à nous prémunir contre toute suite fâcheuse. (p.63 - où, pour éviter d'attraper un rhume, Augustus Carp et son père courent se mettre au lit après avoir pris un bain de pieds !


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