Laissez-moi - Marcelle SAUVAGEOT

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La narratrice, en convalescence pour soigner sa maladie pulmonaire, reçoit des lettres de son amoureux qui peu à peu se détache d'elle et finit pas lui annoncer qu'il se marie. Elle lui répond quatre lettres au sommaire de cette nouvelle.

Oui, il est très tard ; je viens d'éteindre la lampe pour laisser entrer dans ma chambre la lumière de la nuit. Je me sens chaude et souple entre les draps, sous les fourrures ; la fenêtre est ouverte toute grande sur un froid de vingt degrés. La neige dehors est très blanche ; et il règne ce silence étouffé de la neige, ce silence qui attend une révélation dont on sait seulement que l'idée de sa venue fait battre le cœur plus allégrement. Par les fenêtres ouvertes montent les toux incessantes qui hachent les nuits ; dans les couloirs, d'autres toux résonnent. Des toux, toujours des toux, s'envolent dans la nuit glacée. Il y a la toux de cette jeune femme qu'on ne voit jamais : toute la nuit, inlassablement, sans arrêt, cette toux craque comme du bois sec ; pendant combien de jours encore l'entendra-t-on avant qu'elle ne s'éteigne ? Le corps n'est pas assez épuisé pour que ce soit cette nuit que la lueur du petit jour l'emporte. De la chambre de ce garçon, qui tout à l'heure nous a quittés très vite en cachant le sang qui filtrait de ses lèvres, vient une toux profonde et humide : chaque hoquet amène du sang… Quand aura-t-on le soulagement de savoir que ce sang ne coule plus ? Ma voisine fait entendre sa petite toux rassurante : je ne suis pas seule à veiller.

Voici une nouvelle découverte sur le site Ebooks libres et gratuits lue en moins d'une heure (96 pages). je ne peux pas affirmer que j'ai aimé car j'ai trouvé le propos très redondant et je voyais venir la fin de cette histoire sans surprise. Je reconnais à l'auteur une qualité littéraire indéniable, Marcelle Sauvageot était après tout professeure agrégée de lettres, et à travers ses propos on ressent bien la souffrance physique et morale qui n'est pas feinte.

Le livre fut publié en 1934 peu avant sa mort sous le titre de "Commentaire"
puis fut réédité plus tard sous un autre titre "Laissez-moi".

Largement soutenu par les écrivains de son époque très enthousiastes, je ne saurai affirmer que, de nos jours, ce texte aurait tant reçu tant d'éloges, même si la prose est lyrique.
Pendant la vie le ruban est invisible, mais les deux êtres se cherchent et, s'ils se trouvent, le bonheur pour eux est sur terre. Il en est qui ne se trouvent pas ; alors leur vie est inquiète et ils meurent tristes : pour eux le bonheur commencera seulement dans l'autre monde : ils verront à qui le ruban rouge les attache. Je ne sais si je trouverai en ce monde le ruban rouge qui m'attache ; je crois que cette légende est, comme toutes les légendes, une consolation poétique.
De cet homme resté sans véritable prénom, nous ne saurons que son surnom "Bébé", et son ombre chinoise ira rejoindre l'assemblée de tous les hommes lâches qui ont abandonner leur petite amoureuse, malade, sans doute pour fonder une famille, chose presque obligatoire en ces temps-là.

publication pour la première fois en 1933
Éditions La Connaissance sous le titre "Commentaire"


Illustration d'entrée de billet : Vikram Kushwah

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