Les Caves du Vatican - André GIDE
Un groupe d’escrocs démarche des personnes croyantes et crédules en leur faisant croire que le vrai Pape est séquestré (on apprend dans le roman qu'il est détenu au Château Saint-Ange) et a été remplacé par un clone, et que les ravisseurs demandent beaucoup d'argent pour le libérer. Le roman met en scène plusieurs personnages dans 5 parties nommées "livres", lesquels vont se croiser pour le meilleur et pour le pire :
- Anthime, le scientifique athée et franc-maçon mariée à Véronique, il trouve la foi après une guérison suite à un cauchemar (très drôle) et perd alors ses appuis et se retrouve ruiné,
- son beau-frère Julius, marié à Marguerite la soeur de Véronique, est un écrivain qui vient de publier un roman biographique sur son père Juste-Agénor,
- Amédée Fleurissoire, marié à Arnica Fleurissoire, la 3è soeur, qui se retrouve mandaté pour apporter à Rome un chèque pour la rançon du pape, car Valentine de Saint-Prix, la donatrice qui a reçu un des escrocs se prétendant l'émissaire du vrai pape en mission secrète, qui n'est autre que la soeur de Julius, ne peux elle-même s'y rendre,
- Le mille-pattes : les personnages commencent à se croiser et il y a des réactions en chaine,
- Lafcadio, âgé de 19 ans, il fait partie du groupe d'escrocs et apprend qu'il est le fils naturel de Juste-Agénor et hérite d'un pécule à la mort de celui-ci.
Lafcadio, à qui sa mère avait donné cinq oncles, n'avait jamais connu son père; il acceptait de le tenir pour mort et s'était toujours abstenu de questionner à son sujet. Quant aux oncles (chacun de nationalité différente, et trois d'entre eux dans la diplomatie), il s'était assez vite avisé qu'ils n'avaient avec lui d'autre parenté que celle qu'il plaisait à la belle Wanda de leur prêter. Or Lafcadio venait de prendre dix-neuf ans. Il était né à Bucarest en 1874, précisément à la fin de la seconde année où le comte de Baraglioul y avait été retenu pas ses fonctions.

Après ma découverte de Jean Tardieu (voir Lettres de Hanoï) j'ai eu envie de lire un roman d'André Gide (j'ai lu "la symphonie pastorale" dans ma jeunesse) et j'ai choisi ce titre qui m'intriguait. J'ai bien aimé cette lecture que je n'ai pas vraiment trouvé confuse car le roman est assez court et les pages se tournent toutes seules une fois que l'on est entrée dans l'histoire, ou plutôt les histoires qui se rejoignent comme les rivières finissent dans un fleuve. J'ai bien sûr été étonnée du crime de Lafcadio qui se débarrasse sans état d'âme d'un innocent qui croise sa route, acte gratuit, qui n'est même pas puni même s'il reconnait son crime, mais le fait que l'auteur utilise ce meurtre comme l'intrigue du futur roman de Julius qui se confie à son demi-frère sans savoir qu'il est le tueur est vraiment vicieux mais également humoristique, du moins, c'est ainsi que je l'ai ressenti.
Sous le nom pompeux de Croisade pour la délivrance du Pape, l'entreprise d'escroquerie étendait sur plus d'une département français ses ramifications ténébreuses; Protos, le faux chanoine de Virmontal, n'en était pas le seul agent, non plus que la comtesse de Saint-Prix n'en était la seule victime. Et toutes les victimes ne présentaient pas une égale complaisance, si bien encore tous les agents eussent fait preuve d'une égale dextérité. Même Protos, l'ancien ami de Lafcadio, après opération, devait garder à carreau; il vivait dans une continuelle appréhension que le clergé, le vrai, ne devînt instruit de l'affaire, et dépensait à protéger ses derrières autant d'ingéniosité qu'à pousser de l'avant; mais il était divers, et, de plus, admirablement secondé; d'un bout à l'autre de la bande (elle avait nom le Mille-Pattes) régnaient une entente et une discipline merveilleuse.
Cette histoire rocambolesque est tout à fait amorale (crime impuni) mais reste une lecture plaisante et divertissante grâce au talent de l'auteur qui ne lésine pas sur les descriptions des personnages et de leur environnement.
- Eh bien ! voilà, commença Valentine après qu'Arnica se fut assise : Le pape...- Non ! Ne me dites pas ! fit aussitôt Mme Fleurissoire, étendant la main devant elle ; puis, poussant un faible cri, elle retomba en arrière, les yeux clos.- Ma pauvre amie ! ma pauvre chère amie, disait la comtesse...Enfin Arnica ouvrit un œil et murmura tristement :- Il est mort ?Alors Valentine, se penchant vers elle, lui glissa dans l'oreille :- Emprisonné.La stupeur fit revenir à elle Mme Fleurissoire; et Valentine commença son long récit, trébuchant sur les dates, s'embrouillant dans la chronologie; mais le fait était là, certain, indiscutable: notre Saint-Père était tombé entre les mains des infidèles; on organisait secrètement, pour le délivrer, une croisade; et il fallait d'abord, pour mener à bien celle-ci, beaucoup d'argent.
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| roman publié en 1914 |
Fleurissoire, durant la longueur du voyage, avait potassé son Baedeker. Une sorte d'instinct, de pressentiment, d'avertissement intérieur, détourna presque aussitôt du Vatican sa pieuse sollicitude, pour la concentrer sur le Château Saint-Ange, l'ancien Mausolée d'Adrien, cette geôle célèbre qui, dans de secrets cachots, avait jadis abrité maints prisonniers illustres, et qu'un corridor souterrain relie, paraît-il, au Vatican.
Pour illustrer cet article j'ai choisi un tableau d'Antonio Joli qui montre le château de Saint-Ange et au fond la basilique Saint-Pierre.


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