Le buveur de brume - Guillaume GALLIENNE
Guillaume Gallienne doit passer la nuit au Musée National de Tbilissi où se trouve un portrait de son arrière-grand-mère, la princesse Mélita Cholokachvili mais contrairement au projet initial, on l'autorise à passer la nuit dans la Galerie Nationale où ledit portrait a été installé spécialement pour lui. Contrarié, il accepte ce changement qui donne lieu à des digressions sur sa famille géorgienne restée au pays et, accessoirement, beaucoup de lui, son enfance, son amour du déguisement, propice à d'autres identités.
J’ai joué à ces jeux tous les soirs pendant des années. Dès que la maison s’endormait, je prenais la couette de mon lit et la transformais en une grande robe à l’aide d’une ceinture bien serrée et j’arpentais ma chambre en imaginant tout un tas d’interlocuteurs. Que ce soient des scènes de bal, à me figurer entourée de courtisans, des séances du Conseil devant des ministres imaginaires, des audiences ou bien des jeux avec des enfants que je me représentais s’amusant autour de moi, je me réfugiais dans un monde parallèle où c’était moi la princesse, non pas mon arrière-grand-mère, c’était moi qui étais d’une rare beauté et d’une grande élégance et non pas ma grand-mère, moi et non pas mon père, qui étais riche et qui avais les pleins pouvoirs, moi et non ma mère, qui pouvais alterner, sans transition, une grande chaleur pleine de charme et une froideur implacable. Je n’étais plus une tapette ou une pédale dont on se moquait ou que l’on humiliait, mais une grande dame que l’on admirait.

Il y a des auteurs qui ont moins de style que lui et j'ai beaucoup apprécié sa délicatesse des mots, tant de poésie, tant d'humanité, ce fut un très bon moment de lecture avec un petit bémol : j'ai trouvé l'aspect politique un peu trop présent : l'histoire de Géorgie, la guerre que la Russie fait à l'Ukraine, les passages sont un peu trop longs et ne m'ont pas passionnée, sans doute parce que je ne m'y connais pas assez (et que cela ne m'intéresse pas tellement).
J'aime beaucoup l'acteur, le comédien Guillaume Gallienne et je suis heureuse qu'il ait levé un pan sur lui, sa famille, même si je n'ai pas trop été rassasiée par le musée en lui-même, et pour cause...
Nota bene : une redite qui m'a marquée car utilisée à de nombreuses reprises sous plusieurs formes : "Oblomov", "Oblomovisme" ou encore l'auteur du roman "Oblomov" : Ivan Gontcharov, inconnu au bataillon pour ma part, c'est pourquoi je suis allée vérifier ce que "oblomovisme" signifie car cette répétition m'intriguait beaucoup et que j'aime bien comprendre les choses que je lis, un minimum. Oblomov donc, est le personnage du roman éponyme incapable de décision ou d'action et qui se complait à vivre dans sa chambre avant de se fondre littéralement dans le décor.
Nous marchions d’un pas tranquille quand soudain, nous avons été saisis par un courant d’air froid et humide, et en quelques secondes nos visages se sont retrouvés perlés de minuscules particules d’eau. Cela m’a fait songer à ces peuples des Andes qui, pour récupérer un peu de quoi s’abreuver, tendent des filets dans la montagne afin que s’y déposent les gouttes contenues dans les nuages. On les appelle les buveurs de brume. Il n’en existe aucun en Géorgie, car l’eau ne manque pas, mais en traversant le pont, j’ai eu envie de faire la même chose, de boire la brume comme de boire cette nuit qui m’attendait.
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| roman publié en 2025 |
Illustration : portrait de la princesse Mélita Cholokachvili par Savely Sorine.



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