Je suis l'hiver - Ricardo ROMERO

Darren Holmes 2005


Argentine, de nos jours. Le petit poste de police d'une bourgade répond à un appel anonyme qui dénonce des braconniers en train de pécher dans le lac ; arrivé sur place, le policier Pampa découvre le cadavre d'une jeune femme pendue les mains dans le dos, assassinée. Assailli par un étrange pressentiment, Pampa, qui a une façon bien à lui d'interpréter les ombres et les silences, décide d'épier aux environs du cadavre dans l'attente que quelqu'un vienne le décrocher. Fini par arriver un homme gigantesque, qu'il décide de suivre afin de comprendre qui est à l'origine de cet assassinat.

Voici un livre qui n'est pas vraiment un roman policier même si le personnage principal en est un car il n'y a pas d'enquête à proprement parlé, il s'agit surtout d'une aventure, une excursion dans les plis du passé et des destins comme savent le faire les vrais écrivains. J'ai bien aimé ce roman qui fleurte avec le fantastique, faisant se superposer des souvenirs traumatisants, des visions, des sensations, qu'éprouvent tous les protagonistes au fil des chapitres.
Pampa, le policier hanté par la violence d'un père mutilé qu'il épie depuis le dessous de table jeune enfant et qui continue d'observer sans fin le monde une fois adulte.
Gretel, la fille assassinée qui rêve de Buenos Aires et qui, une fois parvenue, rêve d'autre chose mais qui finira par rencontrer son destin fatal.
Orlosky, le géant empêtré dans son corps soumis à d'atroces douleurs d'arthrite qui devient le pantin et le bourreau.
Et enfin, la Directrice, qui vengera son petit-fils Esteban.

Durant toute la lecture, je savais que quelque chose de fou était arrivé ou allait se produite en lisant l'épigraphe :
All work and no play makes Jack a dull boy.
Ce qui signifie qu'à force de travailler sans repos on s'ennuie et devient ennuyeux.

C'est aussi la phrase écrite sans fin dans "Shining" le roman de Stephen King (lire ma critique sur ce lien).

Après son accident qui lui a fait perdre une jambe, le père de Pampa lui aussi écrivait sans fin la même phrase dans ses cahiers : "je suis l'hiver" ; tous les cahiers finiront dans la tombe de sa mère à part le dernier qui ne contient que 5 phrases ; celles-ci sont répétées à la fin de chaque chapitre comme un glas.
Pampa se met à remplir complétement le cahier inachevé des mêmes phrases comme pour boucler une épreuve et faire disparaitre quelques fantômes.

Est-il devenu fou ou est-il un fantôme lui-même ? parfois je me suis posée la question !

Un très bon moment de lecture rassemblant ce qu'il faut de poésie, de suspens, de description de l'intime : les rêves, les cauchemars, les espoirs, les petits bonheurs et les moyens de venir à bout des fantômes qui ne sont pas les plus effrayants.

Un fantôme n'était rien de plus qu'un écho mécanique, un bout de quelque chose qu'on avait définitivement perdu. Et qu'est-ce que c'était ? Un bout, rien de plus, il n'y avait pas d'autre façon de le dire. Un fantôme était un extrême, une extrémité, un muscle qui continuait de fonctionner malgré tout. (page 106)
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Il .../... se surveillait du coin de l'œil dans les miroirs jusqu'à en être rassuré. Pampa, qui n'était ni superstitieux ni ingénu, était convaincu que s'il y avait bien une chose qu'un fantôme ne pouvait pas faire, c'était regarder du coin de l'œil. (page 106)

   

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