Perspective(s) - Laurent BINET

La visitation par Pontormo c.1528

Au fil de lettres trouvées dans une échoppe d'antiquaire, l'auteur nous emporte à Florence au 16è siècle. Pontormo, le peintre chargé d'une fresque dans la chapelle de San Lorenzo est retrouvé mort, poignardé. Vasari, un intime du duc de Florence, est chargé de retrouver le coupable et s'adresse à Michel-Ange chargé des travaux de la chapelle Sixtine à Rome. De nombreux protagonistes dans l'entourage du Duc s'écrivent, se questionnent , se répondent. Sa fille de 17 ans qui désire faire un mariage d'amour et s'adresse à sa tante Catherine de Médicis (reine France) qui l'encourage à venir la rejoindre. Le peintre Bronzino, élève de Pontormo et chargé de prendre la suite pour achever la fresque, tente de se disculper car il est l'un des gagnants dans la mort du vieux peintre. D'autres cherchent à s'unir pour faire valoir leurs droits dans leur corporation artistique non reconnue. Le tout dans un climat guerrier où les terres sont encore disputées entre les pays d'Italie et de France.


Voici l'un des rares livres que j'ai acheté cette année depuis que je me suis inscrite à la médiathèque. Exceptionnellement, j'ai craqué pour ce roman atypique attiré par le thème sur l'art et je ne le regrette pas car c'est vraiment bien fait : on a l'impression de lire de véritables correspondances même si certaines m'ont laissé plus interrogative car ignorante des chicaneries de l'époque sur la bienséance des représentations des personnages religieux, leur nudité, ou encore les querelles politiques entre royauté et république mais point n'est besoin d'être féru en histoire pour se plonger dans cette enquête qui semble vouée à l'échec car sans réelle piste à suivre ni témoin mais avec cependant une bizarrerie : la fresque a été retouchée par quelqu'un de très doué, ce qui réduit fortement le nombre de personnes capables, mais pas assez cependant pour trouver les bons mélanges de couleurs. Mystère !

Par ailleurs, Pontormo a également peint un tableau au visage représentant le fille du duc mais dans une position de lèse majesté : il s'ensuit une chasse au tableau pour le cacher, le détruire, en faire les choux gras selon la personne qui y voit un avantage ou un élément de pression.

Le roman porte en fait plusieurs sujets et c'est peut-être un peu pour cela qu'il pourrait sembler difficile à suivre au fil des échanges de lettres (on passe du coq à l'âne).

Bien que pure invention de la part de l'auteur, les évènements et les protagonistes ont bien existés : Pontormo a travaillé à la décoration de l'abside de l'église de San Lorenzo (ces fresques, dont on ne connaît que les cartons préparatoires, ont complètement disparu). 

2023

En effet, qu'y a-t-il de plus horrible que de peindre à fresque ? On passe la journée le cou tordu, la tête à l'envers, dix ou quinze pieds au-dessus du sol, à manier le pinceau comme on peut avant que l'enduit ait séché, sans quoi il faut tout recommencer. (page 29)


  • Les plus : un style soutenu et original. La découverte de la corporation des peintres, leurs vicissitudes au service de commanditaires pas toujours aimables ni reconnaissants.
  • Les moins : longueur de l'enquête dont on espère qu'elle finira par aboutir. Petit doute de ma part sur la capacité réelle du coupable à avoir réalisé son forfait...mais au final, je donne une très bonne appréciation à ce roman que je recommande à qui aime les arts.

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