La malédiction de Satapur - Sujata MASSEY


Peu après avoir réussi à sanctuariser l'héritage des veuves de Malabar HillPerveen Mistry est envoyée dans les montagnes Sahyadri pour enquêter au palais de Satapur où le maharadjah puis son fils ainé, sont morts à un an d'intervalle. Sans pouvoir approcher ni la veuve, ni la mère de feu maharadjah qui pratiquent la purdha, le gouvernement britannique a embauché Perveen afin qu'elle détermine ce qui est le mieux pour le second fils seulement âgé de 10 ans en attendant qu'il ait l'âge de régner : la mère du garçon souhaite qu'il parte en Angleterre faire son éducation et également le mettre hors de danger car elle est persuadée que quelqu'un veut sa mort, tandis que la grand-mère désire qu'il reste au palais. Après bien des déboires, des tentatives de l'éliminer, Perveen va comprendre que, si malédiction il y a, elle n'a rien de surnaturel.



Une suite encore plus intéressante que le 1er volume

C'est avec une grande satisfaction que je retrouve l'avocate Perveen qui s'aventure seule dans l'épaisseur d'une région reculée et plutôt hostile où elle trouvera heureusement des appuis et mieux encore, un jeune homme qui ne restera pas insensible à son charme et sa personnalité.
-Est-ce que votre main va bien ? Elle est rouge.
-J'ai touché quelque chose de chaud tout à l'heure. mais ça va.
-Je suis désolé, nous n'avons pas de glacière, dit-il avant de marquer une pause. Ne laissez pas la lampe allumée si vous n'en avez plus besoin. Il y a trois piles à l'intérieur, et elles n'ont qu'une durée de quelques heures.
-Je comprends.
Elle déverrouilla la goupille afin d'éteindre la torche. La brève décharge ne s'était pas encore totalement évanouie de sa main, et cette sensation n'avait rien à voir avec la brûlure.
Elle avait donné sa main au conducteur du train en descendant de sa voiture à Khandala, la veille. Elle avait déposé des pièces dans la main burinée du marchand de sucreries au village de Satapur. C'était le genre de contact que les femmes n'avaient pas en général, mais elle n'en avait pas été troublée pour autant.
C'était différent. Elle avait ressenti la même décharge physique au contact de Colin que lorsqu'elle l'avait observé s'étirer dans sa pratique de yoga. C'tait une sensation dangereuse. (p.132)

genre de palanquin utilisé par Perveen pour se déplacer (pas de route)

Une fois qu'ils furent parvenus dans la lumière dorée de la véranda, Perveen put voir Mr Sandringham complétement. C'était un jeune fonctionnaire, qui n'avait peut-être pas encore trente ans, même si les lunettes à montures métalliques lui donnait une aura d'intellectuel. Mais il ne portait pas l’habituel costume de lin que les fonctionnaires comme Sir David affectionnaient. Sa silhouette dégingandée était vêtue d’une chemise blanche froissée, dont la poche de poitrine arborait une tache d’encre, et d’un jodhpur kaki chiffonné enfoncé dans des bottes d’équitation. Sandringham avait l’air d’un savant perdu dans la jungle – et sa connaissance de la nomenclature zoologique et sa lecture du Rāmāyana ne faisaient qu’exacerber cette impression. Elle prit conscience un peu tardivement qu’il l’observait lui aussi. Il cligna des yeux derrière ses lunettes. — C’est tout à fait étrange mais il me semble vous connaître. Où nous sommes-nous déjà rencontrés ? (p.36)

Sous couvert de l'enquête au sein du palais, deux enquêtes en réalité : car Perveen cherche non seulement à déterminer ce qui est mieux pour le jeune héritier mais aussi dans quelles circonstances, son père et son grand frère sont morts, l'auteur aborde encore une fois la condition des femmes (les riches et les servantes) et la perception de leur entourage. Nous découvrons par petites touches la sensibilité du caractère de Perveen, déterminé et combatif : une main de fer dans un gant de velours ; en effet, Perveen est une héroïne comme j'aurais aimé l'inventer et je suis certaine que ma chère Agatha Christie aurait apprécié ce personnage qui, après un malheureux mariage, fait la rencontre d'un homme intéressant mais interdit : de quoi alimenter notre penchant pour le romantisme !

Je m'inquiète pour votre sécurité. Si vous êtes assassinée dans le palais ou sur le trajet, que dirai-je à votre époux ?Que je vous ai envoyée là-bas complétement seule ?
- Oh, taisez-vous ! Il ne fait pas vraiment partie du tableau.
Ces paroles impolies sortirent de sa bouche avant même qu'elle puisse les stopper.
Mais Colin paraissait plus perplexe qu'offensé.
- Qu'est-ce que vous entendez par là ?
Elle n'avait pas l'intention de divulguer quoi que ce soit, mais elle ne voulait pas qu'il utilise son mari contre elle.
- Cet homme est comme mort pour moi, confia-t-elle d'une voix tendue. Il ne fait pas partie de ma vie. Si on m'assassinait, cela l'arrangerait plus qu'autre chose.
- Etes-vous en train de me dire que vous vivez séparément ? demanda Colin en s'appuyant sur le dossier du banc comme pour mieux jauger Perveen du regard.
-Oh oui, répondit Perveen en s'obligeant à prendre un ton désinvolte. Il se trouve à plus de mille cinq cent kilomètres de moi. Et j'aimerais qu'il soit encore plus loin.
- Vous êtes divorcés ?
Le ton calme de sa question ennuya Perveen.
- Non. Je ne peux pas divorcer de Cyrus, parce qu'il ne m'a pas assez maltraitée. Une femme parsie ne peut obtenir le divorce que si les dommages infligés sont très graves - il aurait fallu que je perde un œil ou un membre.
Colin avait pâli. Le fait qu'elle ait évoqué la perte d'un membre lui avait peut-être rappelé sa propre jambe. (p.362-363)




Le récit à la 3è personne est enrichi de nombreux dialogues ce qui rend la lecture vraiment dynamique et vivante (je m'étonne même que personne n'ait eu l'idée d'en faire une série cela changerait !). Pour son enquête, Perveen se rend dans de multiples endroits entre l'auberge de circuit où elle réside en compagnie de l'attirant Colin Sandringham (l'agent politique, victime d'un accident durant lequel il a perdu sa jambe) et ses serviteurs, le palais de Satapur, et les dangereux chemins de montagnes difficilement praticables, surtout de nuit ! Son opiniâtreté, ses observations pertinentes "sur le terrain"  et son intuition vont lui permettre de découvrir les raisons de la terrible vengeance d'un fils renié car né hors mariage.


publié en 2019 "the Satapur Moonstone"
2021 pour la version française


- Que pouvez-vous me dire sur l’agent politique ?
- Colin Wythe Sandringham occupe ce poste depuis environ dix mois. Il est responsable du bien-être des enfants royaux et de la veuve du défunt maharadjah.
- Quels enfants ? Vous n’avez mentionné que le prince Jiva Rao.
- Il a une petite sœur, mais je ne connais pas son nom.
Perveen n’apprécia pas qu’il ait presque oublié la princesse, et qu’il ait qualifié la mère du jeune maharad­jah de veuve, alors qu’elle aurait dû être appelée reine.


Illustration d'entrée de billet : "Hindu children of high caste", Bombay, India, 1922

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