Il installa son magnétophone et se repassa les bandes. Il avait repéré l’endroit qui contenait la fameuse prédiction de Lumumba sur sa mort. Il y avait un petit craquement sur la bande et un avion était passé au-dessus du kiosque pendant ces confidences.
« Ils veulent me tuer.
– Qui ça ?
– Les Anglais, les Américains, les Belges. »
C’était là qu’il avait baissé la voix.
« Il y a des gens ici, dans les ambassades, qui préparent déjà mon exécution. Je sais qui ils sont, je peux même vous donner les noms. »
1960. Gabriel Dax, un écrivain voyageur a l'occasion de faire un article sur Patrice Lumumba, le premier ministre du Congo qui lui confie craindre pour sa vie en nommant trois personnes qu'il pense être capable de commanditer et exécuter leurs basses oeuvres. De retour à Londres, Faith Green, une mystérieuse agente du MI6, lui révèle que Lumumba est mort, alors qu'aucun communiqué officiel ne vient consolider son affirmation. De fil en aiguille, Gabriel devient l'idiot utile des services secrets anglais par l'intermédiaire de son grand frère qui travaille pour les affaires étrangères, acceptant d'acquérir des oeuvres d'art pour le compte de la galerie de son oncle, oeuvres en réalité porteuses de messages codés. Lorsque des connaissances meurent dans d'étranges circonstances, Gabriel met en sécurité les bandes magnétiques qu'il a enregistrées pour écrire son article devenu caduc à la mort finalement officialisée de Lumumba. Tombé sous l'emprise de Faith Green qui l'envoie régulièrement en mission procéder à de menus services bien payés, Gabriel développe un instinct de survie insoupçonné, d'autant qu'il reste traumatisé par l'incendie qui s'est déclaré dans la maison familiale lorsqu'il avait 8 ans et qui aurait été causé par sa veilleuse en forme de lune, traumatisme qui lui cause des insomnies qu'il tente de traiter au cours de séances avec sa psychanalyste, pour finalement partir à la recherche des témoins de l'époque pompiers et agents d'assurance.

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publié en 2024 version anglaise septembre 2025 pour la version française |
Dans les rues enténébrées où les flaques de lumière laiteuse projetées par les réverbères peinaient à éclairer les trottoirs, il ressentit l’emballement bien connu de son cœur, la pulsation de la drogue du voyage. Il trouvait excitant d’être seul ainsi dans une grande ville à l’étranger. C’était un peu ça, le bonheur, non ? Un sentiment familier pour lui, cette libération, ce potentiel, cette perspective de la nouveauté, de l’inconnu. Voilà pourquoi il voyageait, pourquoi tout le monde voyageait sans doute, même si les gens ne se l’expliquaient pas forcément. Le vieil adage disait vrai : qui voyage seul voyage plus loin.
L'information sur le site de Netgallay indiquant que l'auteur conjugue le genre du roman d’espionnage et l’art virtuose de la narration donnant un "résultat spectaculaire" m'a donné envie de découvrir ce roman paru voici moins d'un mois et que j'ai eu l'opportunité de lire grâce à mon statut de lecteur professionnel.
Souvent plus complexes que les romans policiers; les romans d'espionnage, qui mettent en oeuvre de sombres machinations des nations, peuvent être rébarbatifs mais ici, ce n'est pas le cas. Il est vrai que le style de l'auteur est très vivant et parfois humoristique, instructif, je ne connaissais pas du tout l'histoire du Congo ni de l'assassinat de Lumumba (née en 1964, je n'en n'avais jamais entendu parler !).
Je me suis attachée à Gabriel, malgré ses frasques (relations sexuelles à tout va) et son alcoolisme mondain. Il arrive à trouver un sens à son travail d'espionnage a priori sans danger immédiat ce qui lui permet les voyages nécessaires à l'écriture de son livre sur les fleuves et je peux tout à fait le comprendre. Tout en travaillant, il cherche aussi à faire revivre le passé traumatique et finit par découvrir la vérité en s'entretenant avec des témoins de l'époque.
La famille de George Orwell avait vécu à Southwold, et Orwell lui-même y avait passé de nombreux mois dans les années 1920. Ces associations littéraires conféraient un certain attrait à ce fleuve plutôt placide et banal, devait-il reconnaître, et la Blyth lui apparut comme une sérieuse candidate pour figurer dans son livre. Parfois, quand il vadrouillait sur sa bicyclette, il oubliait pendant une heure ou deux sa quête de Faith, même s’il aimait bien cette description de son excursion à Southwold : « la Quête de Faith », qui évoquait une vocation religieuse ou un chevalier errant en armure chevauchant son fidèle destrier à la recherche de son graal personnel. Faith Green le sauverait-elle de lui-même ? Et puis le bon sens lui revenait et il se reprochait sa futilité. Peut-être était-il bien en train de perdre la raison et ferait-il mieux de rentrer à Londres.
La cerise sur la gâteau c'est que Boyd a parlé d'une trilogie avec pour héros Gabriel Dax : le 2è roman étant déjà sorti et j'attends la traduction en espérant qu'elle sera disponible en 2026.
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| Tome 2 de la trilogie Gabriel Dax |
Pour en savoir plus
En écho à ce roman, j'indique le documentaire sorti en 2024 "Soundtrack to a Coup d'État" qui évoque l'assassinat de Patrice Lumumba :

D'après le site allociné, jazz, politique et décolonisation s’entremêlent dans ce grand huit historique qui révèle un incroyable épisode de la guerre froide. En 1961, la chanteuse Abbey Lincoln et le batteur Max Roach, militants des droits civiques et figures du jazz, interrompent une session du Conseil de sécurité de l’ONU pour protester contre l’assassinat de Patrice Lumumba, Premier ministre du Congo nouvellement indépendant. Dans ce pays en proie à la guerre civile, les sous-sols, riches en uranium, attisent les ingérences occidentales. L’ONU devient alors l’arène d’un bras de fer géopolitique majeur et Louis Armstrong, nommé “Ambassadeur du Jazz", est envoyé en mission au Congo par les États-Unis, pour détourner l'attention du coup d'État soutenu par la CIA.
#GabrielsMoon #NetGalleyFrance
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