Noir d'encre - Sara Vallefuoco


1899. Le poste des carabiniers royaux du village perdu de Serra en Sardaigne est en émoi : Marausca, l'un d'entre eux, est entre la vie et la mort à la suite d'une prise d'otage qui s'est mal terminée. Peu après, les carabiniers Moretti et Guibodo doivent se rendent chez la veuve de l'otage qui vient de déclarer un vol mais ils découvrent le cadavre d'un ancien des leurs, poète à ses heures et sans doute aussi un brigand. Que faisait-il dans la grange ? A qui est le canif retrouvé dans sa poitrine ?

Parce que Marausca a pris une balle à la place de Guibodo, ce dernier a maintenant une dette d'honneur et il est prêt à suivre toutes les pistes mais surtout son instinct. Toutes les morts à venir seront pour lui comme des sentinelles sur le chemin de la vérité pour découvrir qu'entre Serra et Scapavento, deux villages sardes, les âmes vont et viennent comme des bêtes en transhumance, charriant avec elles le poids d'une histoire sanglante qu'aucune terre ne peut absorber. La persévérance de Guibodo va révéler une sombre histoire de vendetta et grâce à Moretti, un précurseur dans l'analyse des empreintes digitales, les preuves collectés vont permettre d'identifier l'assassin.

En parallèle de l'enquête policière, Amélia l'infirmière qui veille sur Marausca, envisage d'étudier à Rome pour être médecin comme son père. Le destin des femmes s'esquisse : la volonté et la détermination sont le fusain nécessaire pour accomplir sa voie.


Premier roman de cette auteur italienne, avec une traduction de qualité par Serge Quadruppani qui a su admirablement évoquer toute la poésie qui émane de cette histoire pourtant bien noire, comme l'encre des journaux ou l'encre posée sur le papier qui fait des virgules lorsqu'on écrit de la main gauche et que la main ou la manche emporte avec elle un peu de matière.

Comme j'ai aimé me plonger dans ce roman et dès les premières pages on sait à qui on a affaire : à un véritable écrivain comme il en faudrait plus. Et pour contrer les morts et le sang, il a l'amour, parfois interdit, parfois impossible à avouer ; un homme éprouve de l'amour pour un homme, ce n'est pas encore le temps de le dire. 

La chambre mortuaire se trouve à quatre marches sous terre et, comme il lui a fallu un toit plus bas qu'à l'ordinaire, de loin on dirait une maison de nains. Les enfants croient que s'y réfugient les esprits du lieu, agaçantes petites âmes damnées qui attirent les ennuis jouent de vilains tours et jettent le mauvais œil, personnages bien utiles comme croquemitaines quand les adultes ont un ordre à donner. (p.105) 

L'auteur manie une prose délicate et gracieuse qui touche en plein coeur le lecteur. La psychologie des personnages est révélée au fur et à mesure au travers de leurs désirs, leurs secrets, leurs désirs secrets. Il n'en faut pas plus pour me garder en haleine, attentive à la vie dans le poste des carabiniers, leurs aspirations à améliorer leur condition ; les dernières pages sont comme les derniers jours de vacances parfaites : on ne veut pas qu'elles se terminent !

publié en 2021 (Italie) "Neroinchiostro"
2024 (France)

- Pour réaliser ce projet révolutionnaire, vous avez l'intention de vous enfuir de chez vous ou bien vous informerez votre père ?
- Je ne sais pas bien encore. je crains d'avoir besoin d'un mari.
-Oh, ça, bon ! Mais vous n'avez pas dit...
- Je sais ce que j'ai dit. Je ne veux pas faire l'épouse, mais j'ai besoin d'un mari pour m'emmener à Rome. Une femme de réputation douteuse sera difficilement admise à l'université. Même au siècle prochain certaines réalité seront dures à mourir. (p.81)

Illustration d'entrée de billet : Carabinieri


Il y a une suite à ce roman : Chimere publié en 2023 (non traduit en Français) et je peux vous dire que je suis déjà partante pour lire la suite des aventures de Ghibaudo, Amelia et Moretti !


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