Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier - Patrick MODIANO


Jean Daragane, un écrivain est importuné par un certain Gilles Ottolini qui souhaite lui rendre un carnet d'adresses qu'il a égaré à la gare de Lyon. Méfiant, il accepte cependant la rencontre durant laquelle il est interrogé sur son passé et particulièrement sur un certain monsieur Torstel qui apparait dans le carnet et sur lequel le fameux Gilles désire écrire un roman. Daragane plonge alors dans un champ de souvenirs glanés au hasard que lui revient sa mémoire et particulièrement le souvenir d'une certaine Annie Astrand, plus âgée que lui de 15 ans et qui s'est occupé de lui dans son enfance. 

Livre emprunté avant hier à la médiathèque, lu en un jour avec beaucoup d'avidité et d'espérance car Modiano possède cet art de mélanger une prose soignée l'air de rien et d'y insérer des ombres ici et là comme des grains dans le mécanisme huilé d'une belle histoire.

J'aurai dû me méfier car d'ombre il est question dans le prologue : "Je ne puis pas donner la réalité des faits, je n'en puis présenter que l'ombre. Stendhal. Et dans l'ombre je resterai à la fin de la lecture puisque le roman se termine de façon abrupte sans que l'on sache si toute l'histoire n'est que le récit d'un homme atteint d'Alzheimer et qui subit des fulgurances de son passé sans qu'il puisse les arranger dans l'ordre et les maitriser.

Avec lui, on parcourt donc quelques épisodes : une femme qui aurait fait de la prison par la suite s'est occupé de lui autrefois, les relations louches de cette femme qui côtoie le monde des jeux et de la nuit, peut-être aussi du recel dans des maisons presque abandonnées, puis fouillées. Le héros conserve de son passé une valise dont il a perdu la clé : idée évocatrice d'une valise de souvenirs qu'il est impossible de parcourir désormais en ayant perdu la mémoire.

Il n'y aura pas d'explication pour résoudre les énigmes distillées dans le roman : qui a tué Colette Laurent ? que sont devenus les autres protagonistes ? Pourquoi, quand et comment a-t-il perdu la trace de cette Annie qui lui avait écrit sur un papier l'adresse où ils habitaient pour qu'il ne se perde pas dans le quartier.

Contrairement à d'autres lecteurs que cette construction ne semble pas ennuyer, je préfère ne pas avoir à imaginer les fins de roman.

Pour ma part, j'en viens à conclure que ce livre est peut-être un appel de phare à l'un des lecteurs que nous sommes : quelqu'un se reconnaitra peut-être ?


Il n'avait écrit ce livre que dans l'espoir qu'elle lui fasse signe. Ecrire un livre, c'était aussi, pour lui, lancer des appels de phares ou des signaux de morse à l'intention de certaines personnes dont il ignorait ce qu'elles étaient devenues. (p.70)



Illustration d'entrée de billet : Marcel Bovis

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