La danseuse - Patrick MODIANO



Marchant dans un Paris traversé par des touristes casquettés trainant derrière eux des valises à roulette le narrateur croise un homme d'un lointain passé nommé Verzini. Dans un premier temps, celui-ci nie le connaitre mais lui laisse ses coordonnées. Le narrateur cherche alors à se rappeler leur rencontre il y a plus de cinquante ans. Verzini était un proche de la danseuse. Il se souvient de sa rencontre avec la danseuse qu'il raccompagnait souvent entre le studio de danse rue de Douai et son domicile porte de Champerret. Comment il en vint à s'occuper de Pierre, le fils de la danseuse après l'école. Comment il côtoyât les groupes qui gravitaient autour la danseuse dans un cabaret "la boîte à magie". Comment il en vint à devenir son amant. Lorsqu'il se décide à appeler Verzini, personne ne répond.
 

Développement sur le roman 

Le narrateur / Modiano évoque le harcèlement que subit la danseuse, alors âgée de 14 ans, de la part des frères Barise et plus particulièrement André et son odeur de marécage. Ils étaient là chaque jour dans le train entre Saint-Leu-la-Forêt et la gare du Nord où elle se rendait pour prendre les cours de danse chez Boris Kniaseff. Modiano, je pense, évoque ce passage pour démontrer que si certaines choses ont changé, d'autres perdurent.

Elle se levait de nouveau et se réfugiait devant la portière du wagon. Il venait la rejoindre et la plaquait contre la portière. Elle se débattait, mais il pesait sur elle de plus en plus fort si bien qu'elle étouffait. Les quelques rares voyageurs demeuraient indifférents. (p.45).

Dans la mémoire du narrateur, la danseuse est une battante, une naufragée. On apprend que son enfance n'a pas été facile (un père malfrat, le père de son enfant également).

En somme, sa vie antérieure ne l'intéressait plus du tout et elle s'était débarrassée d'elle comme d'une peau morte. Et cela grâce à la danse. Kniaseff avait raison de dire que la danse est une discipline qui vous permet de survivre. (p.43)

Le narrateur du passé se comporte comme un témoin assez passif et agit sans poser les questions dont il aimerait avoir les réponses. Il entame une liaison avec la danseuse qui elle-même a une relation avec Pola, une mécène qui subventionne certains spectacles.

Elle s'allongea du côté de la table de nuit et nous invita à suivre son exemple. la danseuse se trouvait entre Pola Hubersen et moi. Le lit était étroit. Pola Hubersen éteignait la lampe et se rapprochait de nous. Il ne restait plus qu'un rai de lumière qui venait du couloir, par la porte entrouverte. (p.52)

Des souvenirs qui nous sont apportés du passé du narrateur, peu nous éclairent sur la personnalité de celui-ci, ses aspirations. Une phrase :

Mais les souvenirs d'un enfant sont aussi fragmentaires que ceux qui me restent de ma jeunesse. (p.73) 

De parolier, son métier au début du roman, le narrateur devient écrivain de la moindre espèce puisqu'il est payé pour ajouter à des romans déjà écrits des chapitres qu'on devine pornographiques afin de les publier en langue anglaise. C'est tordu comme idée n'est-ce pas ? Ayant épuisé les ressources de ses souvenirs, le narrateur ne parvenant pas à joindre Verzini conclut à un rêve qui s'est poursuivit au delà de la nuit.

Mon avis

Aucun lecteur habituel de Modiano ne sera surpris de la forme de ce roman qui n'échappe pas au motif habituel d'un puzzle qui éparpille les pièces sans jamais les rassembler totalement. Pour décor, nous évoluons dans le passé en majeure partie Rive droite : rue de Douai, les Ternes, porte de Champerret, la Madeleine.

Un joli petit roman qu'il se lit en quelques heures mais qui laisse un gout d'inachevé encore plus que les autres romans que j'ai pu lire de l'auteur. J'aurais tellement aimé savoir comment et pourquoi le narrateur a perdu de vue la danseuse et son fils dont il semblait tellement attaché.

Encore une fois, cinquante ans disparaissent sans indice et je ne peux pas m'empêcher d'accuser une maladie, un accident pour expliquer la perte de cette mémoire. Tout ceci oblige mon esprit à poursuivre l'histoire à ma manière, dans un autre espace, une fois la lumière éteinte.

Etais-je bien sûr d'avoir rencontré ce fantôme ? Ou bien s'agissait-il d'un rêve que j'avais fait la veille de cette rencontre et que je laissait persister pendant le journée, pour oublier le présent ? (p.95)

édité en 2023

Illustration d'entrée de billet : Javier Vallhonrat


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