Maya - Nuril BASRI

"En eaux troubles"


Maya est une jeune femme de 30 ans qui décide de trouver un sens à sa vie et accepte, sur un coup de tête et de hasard, un contrat de serveuse sur un bateau de croisière au large des côtes européennes de la Russie au Portugal ; lorsque le bateau tombe en panne, son contrat est abrégé mais elle est invitée par une ancienne passagère anglaise à rejoindre Londres pour y travailler. De fil en aiguille, Maya sombre dans la précarité et accepte des boulots improbables qui feraient honte à ses parents ; elle découvre les mensonges, la trahison, la perversité de celui qu'elle pensait être son prince, mais aussi la chaleur d'une amitié véritable.




J'ai découvert ce roman par l'auteur dont j'ai déjà lu il y a quelques mois le roman "Le rat d'égout" (traduit en Français par Etienne Gomez) et qui a publié sur son compte instagram la sortie de son livre Maya (écrit en 2017, publié en 2019 sous le titre indonésien "Rasa", et publié récemment en anglais en 2024. 

Etant donné que cet auteur est vraiment incroyable et que le résumé m'intriguait et m'intéressait, je me suis lancée pour la première fois dans la lecture d'un roman en anglais : une performance croyez moi car c'est une chose d'avoir un certain niveau d'anglais (niveau B2 "avancé"), de regarder des films et séries en anglais, même de regarder des film ou série en n'importe quelle langue (indou, coréen, japonais, chinois, suédois, norvégien,...) avec des sous-titres anglais, c'est autre chose d'être face aux pages d'un livre avec des nuances, des mots de vocabulaire inconnus. La lecture sur ma kindle fut une bonne solution car il suffit de cliquer sur le mot pour en voir une définition en anglais ou la traduction. Après un début de lecture laborieuse, principalement car je ne faisais pas confiance en mes capacités ! j'ai apprécié ma lecture.

Tout d'abord, le personnage principal est très attachant : Maya est adorable, naïve mais téméraire : elle sait ce qu'elle veut ; mais ne peut s'empêcher de se retrouver sous l'emprise de mauvaises personnes...

extrait 1
Even though I’m already thirty, I’ve never engaged in sexual activities, not even kissing. I suppose I’m not ready, or perhaps I’m just too lazy to pursue it. What’s more, according to my religion and my father’s beliefs, it’s a sin to have sex outside of marriage. My dad, he’s quite a devout Muslim. He wanted me to pray five times a day and wear a hijab. I like my hair, so I explained to him that not wearing a headscarf doesn’t make me a bad person or a sex maniac.  As the ship sails through the dark waters of the Baltic Sea, I drift off to sleep, my thoughts swirling like the waves outside.

Ma traduction extrait 1
Bien que j'ai déjà trente ans, je n’ai jamais eu de rapport (sexuel) et je n'ai jamais embrassé personne. Je pense que je ne suis pas encore prête ou que je suis trop paresseuse pour aller jusque là. De plus, de par ma religion et les dires de mon père, c'est péché d'avoir des relations en dehors du mariage. Mon père est un musulman assez pieux. Il voulait que je prie cinq fois par jour et que je porte le hijab. J’aime mes cheveux alors je lui ai dit que ce n'est pas parce que je ne porte pas de foulard que je suis une mauvaise personne ou une maniaque sexuelle. Tandis que le navire fend les eaux sombres de la mer Baltique, je m’endors et mes pensées tourbillonnent telles les vagues.

Le roman fut pour moi comme un conte de fée avec des challenges que ce soit à bord du bateau mais aussi lors du séjour à Londres. De bonnes personnes (de bonnes fées) et de mauvaises personnes (des monstres !). Sur le navire, Maya découvre comment les hommes et femmes s'arrangent pour assouvir leurs désirs sans penser au lendemain ("ce qui se passe à bord reste à bord") ; à Londres, Maya découvre une face sombre de la misère, du désespoir qui lui fait regretter sa maison/patrie.


  • Sur le bateau :
Maya vogue vers l'inconnu en compagnie d'inconnus où elle doit supporter des situations humiliantes, voir être le souffre-douleur de collègues plus expérimentés :
- Kanompang, sa chef de rang est qui vient de Bangkok et qui est assez dure avec elle,
- Oleksii, le commis de cuisine ukrainien qui lui fait des avances,
- Maroje, un chef de quart croate avec lequel elle va développer des sentiments (mais qui va se révéler horrible)
- une de ses colocataires qui n'hésite pas à voir des relations sexuelles dans la chambre où elle dort également.

Extrait 2
I can’t get the picture out of my head. I’ve never seen humans having sex before, not as a live show right before my eyes. Sure, I’ve seen chickens do it, but they’re poultry. Ida doesn’t look anything like a bird !

Ma traduction extrait 2
Je n'arrivais pas à m'enlever cette image de ma tête. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un faire l'amour, en tout cas pas pratiquement sous mon nez. Bien sûr j'avais vu des poules et des coqs mais c'est de la volaille et Ida n'a rien d'un oiseau ! (passage tellement drôle)

  • A Londres :
- Linda Nor, une passagère anglaise qui l'invite à la rejoindre à Londres (mais qui va l'arnaquer en lui "donnant le baiser de Juda" = elle va l'attirer en lui montrant de l'affection pour ensuite lui nuire et la trahir),
- ses différents patrons (la maison close, le bar, etc..)
- un compatriote émigré depuis 20 ans qui lui vient en aide au bon moment.

C'est un roman tragicomique sur la recherche d'identité, la découverte de ressources insoupçonnées pour  survivre dans un environnement étranger et souvent hostile, et lorsque la couche de protection est assez dure, Maya est capable d'éclore et de se révéler elle-même. On rit beaucoup : Nuril Basri a vraiment du talent pour la comédie ; on est aussi dégouté par le comportement de certains mais tellement heureux de voir la combativité de Maya ! 

Et la fin est "oh mon dieu quelle belle fin !" à l'image de toute cette histoire : une fin de conte de fée !


publication (anglais) en 2024 par Monsoon Books Ltd

Une autre couverture moins "parlante" mais tout aussi adéquate
qui évoque la période de Noël 



Un peu plus de ce que j'ai découvert dans le roman.

L'eau

Après réflexion, j'ai remarqué que Maya est sous le signe de l'eau, je m'explique : d'abord elle est originaire d'une île : l'Indonésie étant un archipel (plus de 900 îles sont habitées), elle part travailler sur un bateau de croisière et par la suite travaille en Angleterre (également un île !). Ses multiples emplois sont eux aussi en rapport avec l'eau : lorsque le bateau est mis en "cale sèche" pour 1 mois, elle est chargée de lutter contre les départs de feu (cela lui permet de visiter le navire et de nous emmener avec elle), ensuite à Londres, elle va être "madame Pipi", puis femme de ménage dans un sauna gay. Tant de symboles qui font référence à l'eau ! 
Crawfurd Adamson

Extrait 3 (ma traduction)
Comme il est encore tôt le matin, l’air est frais et le soleil baigne l’arrière des bâtiments d’une lumière dorée. Lisbonne est aussi belle que l’or lui-même et nous décidons de nous promener tranquillement.

ArtByMaine


Le besoin de reconnaissance de la part des autres

Maya est "addict" à son réseau social Facebook, et à chaque changement important dans sa vie, elle met à jour son statut "en couple", "triste", "coeur brisé", etc... mais se rend compte également qu'elle ne doit pas attendre ni l'approbation des autres, ni leur avertissement. 

Tellement de passage drôles mais profonds ! j'an ai mis beaucoup sur Babelio, j'en remets ici

Extrait 4 (échange par WhatsApp entre Maya et sa mère)
Pour ma mère, l’idée de travailler à terre est aussi inquiétant que de travailler en mer. « Où c'est Londres ? En Angleterre? Rappelle toi que les anglais nous ont colonisés», remarque-t-elle en m'observant tandis que je range mes affaires dans la grande valise que je viens d’acheter. « Les Britanniques ne nous ont colonisés que pendant cinq ans », répondis-je. « Cela aurait dû être plus long car ainsi nous aurions fait partie du Commonwealth et nous n'aurions pas à gérer les demandes de visa super compliqués. »

Illustration d'entrée de billet : couverture du roman version indonésienne (édité en 2019)

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