Le retour du professeur de danse - Henning MANKELL

Un livre édité en 2000 dans sa version originale (suédois) sous le titre "Danslärarens återkomst"
Edité en France aux éditions du seuil en 2006
540 pages

Suède. De nos jours. Herbert Molin, 76 ans, retraité, passe son temps à faire des puzzles et vit seul dans sa maison au bord des bois quand surgit un inconnu qui le fouette au sang et à mort avant de l'entraîner dans une danse macabre qui laisse des traces de pas sanglantes dans son salon. Ce dernier tango n'est-il pas esquissé par l'une des nombreuses ombres que le supplicié a craint toute sa vie ? Un ancien de ses collègues, Stefan Lindman, en attente de commencer son traitement contre le cancer, enquête pour comprendre qui était Herbert Molin. Il finira par découvrir sa véritable identité avant et durant la guerre, le mobile du crime mais aussi un secret sur sa propre famille qu'il eût préféré ignorer.

- J'ai un cancer.
- Mortel ?
Le vieil homme avait dit cela avec une bonne humeur inattendue. Comme s'il était malgré tout capable de se réjouir que la mort ne soit pas réservée aux vieillards qui consacraient leurs derniers instants sur terre à écouter Bach.
- J'espère bien que non.
- Bien entendu. Seulement voilà, la mort est l'ombre dont nous ne pouvons pas nous débarrasser. Un jour, cette ombre se transforme en une bête féroce.
- J'espère guérir.
- Dans le cas contraire, je vous recommande Bach. Seul remède valable en dernier ressort. Il offre la consolation, ainsi qu'une petite protection contre la douleur, et une certaine mesure de courage. (p.317)
Mon avis
En préambule : un petit rattrapage pour les sous doués comme moi en géographie : une carte de la Suède pour mieux visualiser les distances parcourues dans ce roman : Stefan Lindman vient de Borås (au sud) et il va enquêter à Kalmar et Östersund.

Et aussi une précision : les suédois se tutoient, ce qui peut surprendre en lisant ce livre, des inconnus se tutoient (sauf vis à vis de personnes très âgées). Voilà un moment que je louchais sur ce livre, ce qui m'a retenu, c'est que j'imaginais le récit trop "versé dans le sang", trop gore si vous préférez, et franchement, le gore, ce n'est pas ma tasse de thé. Et bien non, vous pouvez y aller. Oh ! je ne dis pas que lors du passage où le vieux monsieur est fouetté sans savoir ce qui lui arrive est assez "dur", mais à part cela, ce livre est absolument passionnant.

Tout d'abord, les personnages. Henning Mankell a su en restituer avec finesse les sentiments. Herbert Molin, que l'on accompagne au début, semble si doux : il aime se faire son café, il danse avec sa poupée, et il a peur des ombres qui ne le laissent jamais dormir. On se doute bien qu'il n'a pas la conscience tranquille, sans savoir ce qui lui vaut cette angoisse.
Il avait gardé le souvenir du garçon, je crois même qu'il rêvait de lui dans ses cauchemars. J'ai bien l'impression que le petit a fini par retrouver sa trace.
Stefan Lindman vient d'apprendre qu'il a un cancer. Cette petite boule sur la langue est porteuse de la poisse et devient son compte à rebours. Il se raccroche alors à ce mystère qu'est la mort de son ancien collègue, il n'a rien d'autre de mieux à faire et il se sent utile. Il fait une sorte de tamdem avec le policier chargé de l'enquête : Guiseppe Larsson.
J'ai la mort dans le corps. Je devrais la prendre au sérieux, mais je n'y arrive pas. La mort est impossible à saisir, du moins la mienne.
Stefan Lindman farfouille, fouille, n'hésite pas à prendre des risques, s'introduit dans des maisons, des appartements, des chambres, certes vides, mais risquant à chaque instant d'être surpris. Il accomplit sa quête, comme s'il n'en avait rien à faire de se faire prendre, aveuglé par son angoisse de la mort. Il s'épuise sur les routes, mangeant mal, dormant (ou ne dormant pas) dans des chambres d'hôtels sans charme mais qui l'éloignent de ses repères habituels, de sa maison, de son heure de rendez-vous avec son traitement.

J'ai été littéralement happée dans cette histoire qu'on ne lâche pas, au risque de la perdre. Et puis, cela change des romans qui se situent en France, en Amérique ou en Angleterre. Le dernier jour de lecture, je me suis même réveillée à 3 heures du matin, impossible de me rendormir. Je me suis levée, j'ai fait couler le café, je me suis installée au milieu des coussins enroulée dans les couvertures, j'étais vraiment heureuse de retrouver mon livre, même si le propos de ce livre n'est pas glorieux puisqu'il s'agit du nazisme, celui d'hier, celui d'aujourd'hui.

Durant sa quête, Stefan découvre l'existence de groupuscules haineux, à l'échelle planétaire. Des communautés qui ne pratiquent pas forcément d'actes de barbarie, mais qui sont persuadées que leur salut viendra en exterminant les "envahisseurs". Rien de moins. Des groupuscules dont les adhérents sont des gens comme tout le monde.
Chaque nuit, je savais que quelqu'un allait mourir, mais qui ? Le voisin ? Ou moi ? Je me souviens qu'à mon idée, c'était le Mal en personne qui se déchaînait. Ce n'étaient pas des avions, là-haut dans le noir, mais des diables aux pieds griffus qui lâchaient des bombes sur nous. Plus tard, longtemps après, alors que j'étais déjà dans la police, j'ai compris qu'il n'y avait pas de gens mauvais - mauvais dans leur âme, si vous voyez ce que je veux dire. Mais que certaines circonstances pouvaient faire surgir la cruauté.
Je me demande quand même pourquoi le livre se termine ainsi, personnellement, je n'aurai pas écrit la lettre à Guiseppe.

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