Le guépard - Giuseppe TOMASI DI LAMPEDUSA


Sicile. 1860. Fabrizio, le prince de Salina observe la dérive de sa propre famille et s'accommode, bon gré mal gré, des bouleversements politiques qui s'opèrent lors de la création de l'unité de l'Italie. Le personnage dont Fabrizio se sent le plus proche est Tancrédi, le fils de sa soeur, dont il devient le tuteur lorsque celui-ci se retrouve orphelin à 14 ans. Il autorise le jeune homme à se marier avec la belle Anjelica, une fille d'origine plébéienne. L'heure de la fin de l'aristocratie pure a sonné son glas.

Il faisait le bilan général de sa vie, il voulait ramasser petit à petit hors de l'immense tas de cendres du passif les paillettes d'or des moments heureux : les voici. (p.265)

Mon avis
Quel livre merveilleux ! Je veux dire élégant. Une écriture remarquable et, j'ajoute, subtile. J'avais entendu parlé du film, adapté de ce roman, mais je ne connaissais pas vraiment l'histoire. J'ai donc acheté le livre "les yeux fermés" après l'avoir repéré en librairie. Je ne regrette pas cet achat impulsif car c'est réellement un roman touchant et instructif ; l'auteur est l'arrière petit-fils du personnage qui a inspiré le prince de Salina. Tomasi décide d'écrire de manière romancée le récit d’une journée de la vie de son arrière-grand-père, coïncidant avec le débarquement de Garibaldi en Sicile en 1860.

Emporté dans son élan, Tomasi rajoute au fil du temps des chapitres qui étayent l'édifice fragile du récit de la vie d'un homme, ses fiertés, ses amours, ses loisirs, sa prestance dans un monde qui se dérobe aux usages.

Tomasi désirait à toutes forces être édité, cependant, le livre ne fut imprimé qu'après sa mort et obtint en 1959, le prix Strega, le prix littéraire le plus prestigieux en Italie (équivalent de notre Goncourt).
Greuze- la malédiction paternelle
[Il est question de ce tableau qui trône dans la bibliothèque de la maison Salina.]

Le livre est composé de huit parties, auxquelles s'ajoutent des addenda, justifiés par la complexité des fragments retrouvés plusieurs années après la première publication. L'auteur avait annoté quantité de feuillets dactylographiés et rédigé un testament consignant ses dernières volontés autour de ce roman.

Le style y est d'une incroyable maîtrise. Les mots, les sentiments, le bruissement de la nature, celle des étoffes des vêtements concourent à nous introduire dans un monde passé mais universel.
Lorsque, ensuite, il eut appris à mieux connaître Don Fabrizio, il retrouva bien sûr, chez ce dernier, la mollesse et l'incapacité à se défendre qui étaient les caractéristiques de son noble-mouton prédéfini, mais en plus, une force d'attraction différente dans le ton mais égale en intensité à celle du jeune Falconeri ; et encore une certaine énergie qui tendait à l'abstraction, une disposition à chercher la forme de sa vie en ce qui venait de lui-même et non en ce qu'il pouvait arracher aux autres, il fut fortement frappé par cette énergie d'abstraction bien qu'elle se présentât à lui sous une forme brute et non réductible à des mots comme on est tenté de la faire ; mais il s'aperçut qu'une bonne partie de ce charme provenait des bonnes manières et il se rendit compte combien un homme bien élevé est agréable, car, au fond, ce n'est que quelqu'un qui élimine les manifestations toujours déplaisantes d'une grande partie de la condition humaine et exerce une sorte d'altruisme profitable (une formule dans laquelle l'efficacité de l'adjectif lui fit tolérer l'inutilité du substantif). (p.145 - Don Calogero Sedàra, le père d'Anjelica décrit Don Fabrizio).
Le monde des hommes et de leur infinie nostalgie.
...mais ils étaient quand même contents car le bonheur consiste à rechercher des buts et non à les atteindre ; c'est du moins ce que l'on dit. (extrait du fragment A, addendum au roman)

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